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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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avec toi de la même façon lorsque tu es sur lui que
lorsque tu as pied à terre.
    Hernando l’écoutait, le regard fixé sur le cheval moreau. À
quelques pas d’eux, l’animal mâchait tranquillement des buissons.
    — Essaie à nouveau, reprit le roi. Il existe deux
façons de monter à cheval : la première, avec la bride, comme le font les
chrétiens de tous les villages, moins les Castillans, qui nous copient
largement et que leurs grandes et lourdes armures empêchent de faire beaucoup
de mouvements. Quand le Diable Tête de Fer monte sur ses chevaux, ceux-ci
tremblent et se pissent dessus. Je l’ai vu. Il les domine et les soumet avec
cruauté… comme il le fait avec les hommes. Nous, les musulmans, nous montons
différemment : à la genette, comme les Arabes dans les déserts, en
utilisant des étriers courts et en guidant le cheval avec les jambes et les
genoux, pas seulement avec la bride et les éperons. Sois dur si tu dois l’être,
mais surtout sois intelligent et sensible. Avec ces seules vertus tu réussiras
à dominer ces animaux.
    Hernando entreprit de se diriger vers le cheval moreau, mais
le roi attira son attention :
    — Ibn Hamid, tu as choisi un animal à robe noire. Les
couleurs des chevaux correspondent aux quatre éléments : air, feu, eau et
terre. Les chevaux moreaux comme celui-là ont pris leur couleur de la terre et
ils sont mélancoliques, raison pour laquelle il t’a paru tranquille, mais ils
sont également vils et ont la vue basse. C’est pour ça qu’il t’a fait tomber.
    Sur ces paroles, le roi fit demi-tour et le laissa seul avec
les chevaux et une foule de questions : à quels éléments correspondaient
les autres robes ? Quels défauts et vertus leur attribuait-on ?
    Chaque jour, soit au moment de manger, soit le soir, il
revenait à la grotte endolori, parfois en clopinant, parfois en boitant
ostensiblement ; plus d’une fois il dut manger d’une seule main.
Cependant, par chance ou grâce à sa jeunesse, aucune des nombreuses chutes
qu’il subissait n’entraîna de fractures graves. Au moins, lorsqu’il mettait le
pied à l’étrier d’un cheval, il oubliait Aisha et Fatima, Brahim et tous les
Maures qui chuchotaient dans son dos… Et il en avait besoin.
    À certaines occasions, le roi lui-même chevauchait à ses
côtés et lui enseignait. En tant que noble, Abén Humeya maîtrisait l’équitation.
Entre les deux hommes, tandis qu’ils caracolaient dans les montagnes, s’établit
une relation proche de l’amitié. Le roi lui parla des joutes et des courses de
taureaux auxquelles il avait participé au cours de sa vie, et aussi de la
signification des autres couleurs de robe des chevaux. Les blancs, qui avaient
l’eau pour élément, étaient flegmatiques, mous et lents ; les marron, qui
correspondaient à l’air, se caractérisaient par des mouvements tempérés, joyeux
et légers ; et les alezans, dont l’élément était le feu, se montraient
colériques, vifs et rapides.
    — Le cheval qui réussit à posséder toutes ces couleurs
et à les combiner dans sa robe, la fourchette de ses sabots, ses paturons ou ses
canons, les étoiles de son front ou ses épis, sa crinière ou sa queue, est le
meilleur, lui dit un matin le roi.
    Abén Humeya chevauchait tranquillement sur un alezan
hâlé ; Hernando luttait une fois de plus avec le cheval moreau, que le roi
lui avait offert.
    À la tombée de la nuit, Hernando revenait avec ses mules,
près de la grotte. Alors Aisha et Fatima le regardaient passer tête basse,
après un salut à tous et à personne, et se réfugier parmi ses animaux, comme
s’il ne venait là que pour eux. Toutefois, les deux femmes se rendaient compte
que le garçon ne quittait jamais son épée, qu’il caressait instinctivement dès
qu’il entendait la voix de Brahim. Il parlait seulement avec ses mules, et en
particulier avec la Vieille. Tous les Maures des grottes alentour, un peu
jaloux des faveurs que le roi prodiguait au nazaréen, avaient pris parti pour
Brahim, et celui qui hésitait ne voulait pas s’attirer d’ennuis avec l’imposant
muletier.
    Aisha souffrait en silence de voir son fils dans cet état,
et même Fatima ne put rester indifférente à la mélancolie qui accablait
Hernando. Les premiers jours, la colère l’avait poussée à lui témoigner du
dédain. Combien de fois y avait-elle pensé au cours du mois qu’avait duré son
voyage ? Cette nuit-là elle l’avait attendu : Aisha avait

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