Les révoltés de Cordoue
avait signifié mettre le mariage au second
plan. La première menstruation les rassura. La décision n’en était pas moins
dure, mais elle était simple pour tous deux : trois mois d’abstinence.
Quant à l’idaq, Hernando envisageait de s’adresser au roi
dès que sa jambe serait guérie. Si quelqu’un pouvait l’aider, qui d’autre
qu’Abén Humeya, l’homme qui lui avait appris à monter et offert un
cheval ? Ne lui avait-il pas prouvé son estime par le passé ? Même
si, malgré lui, Hernando avait de sérieux doutes quant à la nature de cette
estime. Les rumeurs sur la décadence morale dans laquelle le roi était tombé
s’étaient ébruitées partout dans la montagne. Ce qu’ignorait Hernando, c’était
que le temps jouait contre lui.
Malheureusement, ces rumeurs étaient fondées : le
pouvoir unilatéral et l’argent qu’il avait ensuite reçu à profusion avaient
transformé le roi en tyran. Abén Humeya avait cédé à l’avarice, et il n’existait
pas une seule propriété maure qu’il n’eût pas pillée ; il vivait dans la
luxure, conformément à ses goûts, entouré de toutes les femmes qu’il voulait,
qu’il épousait à tour de bras. En tant que noble grenadin de souche, il se
méfiait des Turcs et des Arabes ; il mentait, trompait et se comportait
cruellement avec ceux qui étaient à son service. Sa façon d’agir lui avait déjà
coûté l’inimitié publique de plusieurs de ses meilleurs commandants : El
Nacoz à Baza, Maleque à Almuñecar, El Gironcillo à Vélez, Garral à Mojácar,
Portocarrero à Almanzora et, bien entendu, Farrax, son rival à la couronne.
Mais ce fut une femme qui marqua l’origine de la fin de la
vie splendide d’Abén Humeya. Le roi s’était amouraché de la veuve de Vicente de
Rojas, frère de Miguel de Rojas, son beau-père, qu’il avait fait assassiner à
Ugíjar avant de répudier sa première épouse. La veuve était d’une grande
beauté, danseuse d’exception qui, par ailleurs, jouait du luth à la perfection.
Selon l’usage, après la mort de son époux, son cousin Diego Alguacil, du clan
des Rojas, ennemi juré du roi, la demanda en mariage. Abén Humeya s’arrangea
pour tenir occupé Diego Alguacil par des voyages et des missions à travers les
Alpujarras, jusqu’au jour où, de retour de l’un d’entre eux, celui-ci découvrit
que le roi avait forcé la veuve, la gardant à ses côtés comme une vulgaire
concubine.
Diego Alguacil, humilié, ourdit un plan pour en finir avec
Abén Humeya à Laujar d’Andarax.
Le roi ne savait pas écrire. Par conséquent c’était un neveu
d’Alguacil, pourtant apparenté avec les Rojas, qui écrivait, voire signait au
nom du roi tous les ordres que ce dernier transmettait à ses commandants
disséminés dans chaque coin des Alpujarras.
À ce moment-là, Abén Humeya s’était débarrassé des Turcs et
des Arabes, gênants et arrogants, qu’il avait envoyés combattre avec l’armée
d’Abén Aboo, aux alentours d’Órgiva. Par l’intermédiaire de son neveu, Diego
Alguacil eut vent d’une lettre que le roi adressait à Abén Aboo. Il intercepta
le messager, le tua et, avec la complicité de son neveu, en rédigea une autre
dans laquelle le roi donnait l’ordre à Abén Aboo d’égorger, avec l’aide des
troupes maures, tous les Turcs et Arabes qui étaient avec lui.
Diego Alguacil en personne apporta cette lettre à Abén Aboo,
qui ne put réprimer la colère des Turcs, principalement d’Huscein, Caracax et
Barrax. Abén Aboo, Brahim, Diego Alguacil, accompagnés de Turcs et de
capitaines corsaires, se rendirent à vive allure à Laujar d’Andarax, où ils
trouvèrent Abén Humeya dans la demeure du Coton.
Aucun des trois cents Maures qui constituaient la garde
personnelle d’Abén Humeya n’empêcha Abén Aboo et ses compagnons d’entrer dans
la propriété. À l’intérieur, un autre corps de garde, élite composée de
vingt-quatre arquebusiers, laissa les Turcs défoncer à coups de pied la porte
de la chambre royale. Telle était la haine qu’Abén Humeya avait engendrée, même
chez ses plus proches partisans.
Abén Aboo, Turcs et Arabes surprirent le roi dans son lit,
en compagnie de deux femmes. L’une d’elles était la veuve du clan des Rojas.
Abén Humeya démentit le contenu de la lettre, mais son sort
était scellé. Abén Aboo et Diego Alguacil enroulèrent une corde à son cou et
tirèrent chacun de son côté pour l’étrangler. Puis
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