Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
qu’il eut pris congé des épousés, Louis partit sans
dire où il allait, et d’un pas si rapide que nous eûmes peine à le
suivre : ce « nous » comprenait le maréchal de Vitry, son frère
du Hallier, capitaine aux gardes, Monsieur de La Curée, capitaine aux
chevau-légers, le baron de Paluau, son maître d’hôtel, le jeune Montpouillan
(fils du duc de La Force) et moi-même, tous fort étonnés de voir Louis galoper
à cette allure dans les galeries et les escaliers du Louvre et ne sachant où
diantre il courait si vite à six heures et demie du matin, et comme nous tous
le ventre creux, faute d’avoir au lever glouti le moindre morcel.
    Le garde de faction fut si étonné de voir le roi se
présenter au guichet que, faillant de prime à le reconnaître, il l’eût se peut
arrêté, s’il n’avait aperçu derrière lui la grosse trogne de Vitry. Il courut
alors devant Sa Majesté pour refouler les entrants et faire place au roi sur
l’étroite passerelle qui menait au pont dormant. Après quoi il ouvrit grand
(mais point à lui seul, certes) la porte de Bourbon qui n’était
qu’entrebâillée.
    Dès qu’on fut hors, on comprit ce que Louis avait dans
l’esprit dès le début de cette course, quand on le vit frapper à coups
redoublés à la porte du Jeu de paume, lequel, si j’en crois mon père, on
appelait sous Charles IX le Jeu des cinq pucelles, pour la raison
que le maître paumier, qui en était propriétaire, avait cinq garcelettes qui
attendaient maris. Ce nom était resté au Jeu de paume parce qu’il était
plaisant, alors même qu’il y avait belle heurette que les pucelles n’étaient
plus pucelantes, mais mariées et mères, et le maître paumier, ensépulturé.
    Vitry ayant joint ses gros poings à ceux du roi pour toquer
à la porte du Jeu de Paume, il fit un tel tapage qu’à la fin elle s’ouvrit,
laissant apparaître un gardien maigrelet et chenu qui à la vue du roi faillit
pâmer. À cette heure matinale, la grande salle était un désert et l’huis reclos
sur nous avec défense de laisser entrer personne, on ne trouva là ni naquet
pour marquer les points, ni ramasseur de balles. Et on n’eût pas trouvé non
plus balles et raquettes, si Vitry, soudard qu’il était, n’avait eu une façon
bien à lui d’ouvrir une armoire cadenassée.
    — Voilà Vitry qui rompt encore une porte, dit Louis,
mi-figue mi-raisin, faisant allusion au fait que Vitry, quelques années plus
tôt, n’avait pas craint de pétarder le portail d’une prison pour délivrer deux
de ses soldats que le lieutenant civil retenait prisonniers.
    — Çà ! dit Louis, la raquette en main, qui me va
renvoyer la balle ? Vous, Vitry ?
    — Sire, dit Vitry, je vous serais piètre adversaire.
Choisissez plutôt La Curée. Il est fort bon.
    — Volontiers, Sire, dit La Curée, lequel, toutefois, ne
parut pas enchanté de se déporter violemment sur un ventre vide, d’autant qu’il
était gros mangeur.
    On se souvient que lors du festin champêtre des
« goinfres de la Cour », auquel Louis s’était gaillardement invité,
Monsieur de La Curée, une serviette autour du col, allait à cheval chercher les
plats à la cuisine, et toujours à cheval les amenait aux « goinfres »
assis sous les tonnelles, non sans, à chaque voyage, prélever pour lui-même une
large part.
    Louis chargea Vitry d’arbitrer, mais comme il n’y avait pas
de naquet, le maréchal en assura aussi les fonctions, qui consistaient à
marquer sur un tableau noir les points que remportait à tour de rôle chacun des
adversaires.
    Le roi me choisit comme juge au filet, lequel céans n’était
point un filet, mais une corde tendue entre les deux joueurs qu’on avait pris
soin de garnir sur toute sa longueur de franges tombant jusqu’à terre pour
empêcher la balle de passer sous la corde. Mais les franges n’étant point si
serrées qu’une balle frappée avec force n’arrivât à passer au travers d’elles,
et cela donnait lieu, entre joueurs, à des contestations à l’infini, que le
juge au filet avait pour tâche de trancher.
    Louis désigna Paluau et Montpouillan pour ramasser les
balles, lesquelles aux Cinq Pucelles étaient faites de poils de chien
recouvertes de cuir (mais point n’importe quel chien, ni n’importe quel cuir),
et réputées les meilleures d’Europe, je le dis en passant, aimant à me paonner
de ce qui se fait de bien en ce royaume. Les ramasseurs se donnant quasiment
autant de

Weitere Kostenlose Bücher