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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qui trouvaient là leur emploi n’attendaient que moi aux écuries pour se
mettre en selle et Saint-Clair, prenant la tête pour montrer le chemin, nous le
suivîmes à la queue leu leu et fort silencieusement, Poussevent et Pissebœuf
ayant pensé à envelopper de chiffons les sabots des chevaux.
    Portes, fenêtres et contrevents clos, la maison de Rapinaud
(mais dois-je la nommer ainsi, malgré sa tour ?) s’était claquemurée sur
soi comme forteresse. Peu me chalait, puisque je ne comptais pas en forcer la
porte. L’aboi furieux de trois ou quatre chiens de garde ne fit pas
s’entrebâiller la moindre lucarne et quant aux chiens, ils étaient fort mal
dressés, puisqu’ils acceptèrent les chairs et les os que Poussevent leur jeta
et d’ores en avant, ils travaillèrent si fort des mâchoires qu’ils ne songèrent
plus à donner du gosier.
    — Mes bons enfants, dis-je, les cavaliers étant
rassemblés autour de moi en cercle, la cible, Dieu merci, n’est pas humaine.
C’est le coq de la girouette. Et le but est de le faire choir à terre en lui
trouant les pattes. Chacun tirera à tour de rôle, debout sur la terre ferme, son
voisin retenant son cheval par la bride. Quiconque touchera la cible recevra
une pinte de mon meilleur vin. Et celui qui la fera choir un écu d’or au
soleil. Pour qu’il n’y ait pas querelle, l’ordre des tireurs sera donné
alphabétiquement par la première lettre de chacun de vos noms.
    Mais il y eut là quelque difficulté, car les Suisses ne
voulurent pas de l’ordre alphabétique, ayant établi de longue date entre eux un
ordre de préséance qu’ils désiraient respecter. Je leur donnai carte blanche
dès que j’entendis la raison de leur refus, ce qui prit du temps, car ils
parlaient un allemand baragouiné de la parladure de leurs montagnes. Cette
question réglée, le tir commença, Poussevent et Pissebœuf acceptant de tirer en
dernier, se peut plus par calcul que par générosité, estimant que les pattes du
coq seraient déjà fort déchiquetées quand leur tour viendrait.
    Dès le premier tir, une fenêtre au premier étage de la
maison s’entrebâilla et sans qu’aucune tête apparût, elle se referma aussitôt,
et la maison souffrit ensuite sans réagir le moindre les coups d’arquebuse qui
suivirent.
    Chacun des Suisses toucha son but, et le sixième Suisse
emporta la palme – et l’écu d’or au soleil – en faisant choir le coq
qui roula et rebondit sur la toiture d’ardoise avec un bruit d’enfer avant de
s’écraser au sol. « Que c’est pitié ! dit Poussevent, que dans l’état
où il était, je l’eusse abattu les yeux fermés ! » Pissebœuf ne dit
rien, mais ramassa le trophée et me le remit.
    Nous nous retirâmes alors comme nous étions venus sans faire
le moindre bruit. Au début de l’après-midi, je me rendis à Montfort et
rencontrai un à un au bec à bec les officiers du bailliage, et les priai de se
déclarer incompétents, si Rapinaud faisait appel de ma décision.
    Sans même attendre le délai de huit jours que je lui avais
accordé, Rapinaud vida les lieux avec ses bagues [23] , ses
meubles meublant, ses charrettes, son blé, son vin, ses bêtes et son
domestique. Il possédait un moulin dans le Perche et c’est là qu’il se retira.
J’achetai ses maisons et ses terres pour quinze mille livres, petit prix pour
un si conséquent accroissement de mon domaine.
    Au village, tous tombaient d’accord que Rapinaud était un
grand chiche-face, fort dur et fort rusé. Toutefois réfléchissant plus outre à
cette affaire, je n’ai pas laissé de m’étonner que ce matois, emporté par son
ressentiment, ait commis un méfait aussi stupide que de bouter le feu à mon
bois de Cornebouc : il avait peu à gagner à cette entreprise et tout à
perdre.
    D’après ce que j’ai ouï de la bouche de Séraphin qui le vit
avant son départ, la destruction de sa girouette avait frappé de stupeur et de
terreur son âme superstitieuse : il y discerna le présage sinistre de sa
propre perte, et elle fit prou pour précipiter son exode.
    L’épisode, quant à lui, émut fort mes manants, qui en firent
des contes épiques à la veillée, alors même qu’aucun d’entre eux n’y avait
participé.
    Le département de Rapinaud fut suivi par celui de Mougeot
qui, au préalable, dut mettre en vente son lopin pour lequel toutefois je
n’usai pas de mon droit de préemption, de prime parce que j’avais appris de
Figulus qu’un

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