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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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estime.
    — Je vous ois, Monsieur le curé Séraphin, dis-je en
haussant le sourcil.
    — Avant-hier, Monsieur le Comte, Yvon…
    — Yvon ?
    — Yvon Janin, le cabaretier, dit Saint-Clair.
    — Yvon vint me trouver au presbytère et me demanda de
l’ouïr en confession. « Comment cela, Yvon ? dis-je, mais tu t’es
déjà confessé hier ! Dans quel gros péché t’es-tu donc ventrouillé depuis
hier, malheureux, pour que je t’oie meshui derechef ? – Ce n’est pas mé,
dit Yvon, qu’avons commis l’gros péché. C’est un autre. – Et qui crois-tu
donc que tu es, Yvon, pour confesser les péchés d’un autre ? – C’est
que l’autre, dit-il, i voudrons jamais le confesser. – Eh bien donc,
dis-je, tant pis ! Il rôtira à la broche pour l’Éternité ! Et tout
nu, pour sa plus grande honte ! – C’est point ça qui me tabustons,
dit Yvon. Qui rôtisse tant qui veut, c’est point mon affaire, mais tant qu’il
est vivant, i pourrons bien recommencer son gros péché et c’est point l’intérêt
d’Orbieu. »
    — L’intérêt d’Orbieu ? dis-je. Mais voilà qui
m’eût fait dresser l’oreille.
    — Mais l’oreille me dressa tout du même, Monsieur le
Comte, dit Séraphin. « Yvon, dis-je, tu es moins parlant que trop plus. Ne
faille pas meshui à me dire ce que tu sais sur cet autre et de son gros péché,
si tu veux point aller cuire dans les marmites des septante diables de
l’Enfer ! – Je voulons bien, Monsieur le Curé, dit Yvon, mais
seulement en confesse. – Et pourquoi en confesse ? dis-je. – Pour
ce que le secret de confesse vous obligeant, dit Yvon, vous ne pouvions point
le répéter. – Tu veux donc, dis-je sourcillant, protéger cet autre pour
qu’il continue à méfaire ! – Jardi ! J’voulons point le
protéger ! J’avions peur de lui ! C’est un brutal ! – C’est
donc le Mougeot ! dis-je. – J’avions rien dit ! J’avions rien
dit ! cria Yvon. – Et ce serait-y pas, repris-je, que le Mougeot, il
a battu le briquet là où fallait pas ? Et que grand dol et dommage en
aurait résulté, si le Bon Dieu n’avait fait pleuvoir à cieux déclos ?
— J’avons rien dit ! j’avons rien dit ! cria Yvon. – Mais
tu vas me dire meshui, gros sottard, comment tu sais qui et quoi. Sinon je
t’admets plus en confesse ni à communion. Et qui pis est, à ta mort, je
t’ouvrirai point la terre chrétienne pour t’ensépulturer. Tant est que les
anges, le jour du Jugement dernier, ne te trouvant point où tu devrais être,
t’oublieront dans ton coin et tu seras point ressuscité… – Ah ! Que
nenni, nenni, nenni, Monsieur not’curé ! et que j’allons tout vous dire
meshui. – Je t’ois, dis-je. – Eh ben voilà ! Monsieur not’curé.
Y en a dans mon cabaret qui buvons trop. Et quand i sont bus, i parlons trop.
Et y en a aussi, et va savoir si c’sont les mêmes, qui douze mois sur douze
n’ont pas un seul sol vaillant et tout de gob, voilà t’y pas qu’ils ont le
haut-de-chausses qui tintine de pièces. – Et tous ceux-là, dis-je, c’est
un seul quidam, c’est le Mougeot ! – C’est vous qui l’avons nommé,
Monsieur not’curé, c’est point moi. – Et celui qui lui a baillé les piécettes
pour bailler le feu au bois de Cornebouc, c’est Rapinaud. – J’avons rien
dit ! J’avons rien dit ! » cria Yvon.
    — Monsieur le Curé, dis-je après avoir ouï ce récit à
oreilles découvertes, ce témoignage accuse Mougeot, mais qu’est-ce qui prouve
que c’est Rapinaud qui a baillé les pécunes ?
    — C’est infiniment probable, Monsieur le Comte, vu que
du temps du grand pouvoir de Rapinaud sur le domaine, c’était le Mougeot qui
était l’exécuteur de ses basses œuvres.
    — Néanmoins, pour incriminer Rapinaud, remarqua
Saint-Clair il y faudra les aveux de Mougeot et de prime s’assurer de sa
personne.
    — Nous y pourvoirons demain, dis-je, dès que j’aurai
fait venir de Montfort l’Amaury le juge dont vous m’avez dit qu’autrefois, il
assistait le défunt comte dans ses arrêts. Jusque-là, demeurons tous trois fort
clos sur cette affaire. Il serait désastreux que le Mougeot, prenant puce à
l’oreille, puisse s’enfuir avant qu’on mette la main sur lui.
    Après avoir fait au curé Séraphin grand compliment sur la
façon dont il avait mené l’interrogatoire du cabaretier et ordonné qu’on le
reconduisît au presbytère en mon carrosse avec deux

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