Les Seigneurs du Nord
mourir, persista Hrothweard en
brandissant vers moi un crucifix de bois.
— Si nous allons au nord, dit Guthred, inquiet,
Kjartan se mettra en travers de notre chemin.
Eadred avait un argument :
— Si le comte Ragnar accepte de nous
accompagner, seigneur, nous aurons la vie sauve. L’église rétribuera le comte
Ragnar pour ses services.
— Mais aucun de nous ne sera en sûreté, si
un meurtrier reste en vie ! hurla Hrothweard en brandissant son crucifix
de plus belle. C’est un assassin ! Et le frère Jænberht est un martyr !
Moines et prêtres se joignirent à ses clameurs.
Guthred ne put les faire taire qu’en leur rappelant que le père Beocca était là
en ambassadeur.
Pauvre Beocca. Lui qui avait répété pendant
des jours, choisissant ses termes et éprouvant plusieurs versions à haute voix.
À présent, il prononçait son discours au nom d’Alfred. Je doute que Guthred en
entendit un seul mot, car il se contentait de nous regarder, Gisela et moi, tandis
que Hrothweard continuait de lui siffler ses paroles venimeuses à l’oreille. Mais
Beocca continua de radoter, louant Guthred et la reine Osburh, déclarant qu’ils
étaient une lumière divine dans le Nord et rebattant les oreilles de toute l’assistance.
Quelques-uns des guerriers de Guthred se moquèrent en faisant des grimaces et
en louchant, jusqu’à ce que Steapa, lassé de leur cruauté, vienne au côté de
Beocca et pose la main sur le pommeau de son épée. C’était un brave garçon, mais
il avait l’air d’une brute implacable. Pour commencer, il était immense et son
visage figé n’était capable d’exprimer qu’une haine féroce. Un simple regard de
lui suffit à faire taire tous les moqueurs.
Beocca, évidemment, crut que c’était son
éloquence qui les avait pétrifiés. Il termina son discours en s’inclinant
profondément devant Guthred puis lui offrit les présents d’Alfred. Il y avait
un livre que le roi prétendait avoir traduit du latin en anglais, et c’était
peut-être vrai. Il était rempli d’homélies chrétiennes, déclara Beocca en
tendant le lourd volume incrusté de gemmes. Guthred retourna le livre sous
toutes les coutures, finit par réussir à défaire le fermoir, l’ouvrit à l’envers
et déclara que c’était le présent le plus précieux qu’il ait jamais reçu. Il
déclara la même chose pour le deuxième, une épée de lame franque à la poignée d’argent
et au pommeau fait d’un morceau de cristal limpide. Ce dernier présent était
indubitablement le plus précieux, car c’était un reliquaire d’or fin incrusté
de grenats, contenant des poils de la barbe de saint Augustin de Contwaraburg. Même
l’abbé Eadred, gardien de la plus sainte dépouille de Northumbrie, fut
impressionné et se pencha pour toucher l’objet.
— Par ces présents, le roi entend
délivrer un message, dit Beocca.
— Qu’il soit bref, murmurai-je.
Gisela serra ma main dans la sienne.
— Le livre représente le savoir, expliqua
Beocca, sans lequel un royaume n’est qu’une coquille vide d’ignorance barbare. L’épée
est l’instrument par lequel nous défendons le savoir et protégeons le royaume
terrestre de Dieu, et son cristal représente l’œil intérieur qui nous permet de
connaître la volonté de notre Sauveur. Et les poils de la barbe de saint
Augustin, seigneur roi, nous rappellent que sans Dieu nous ne sommes rien, et
que sans la Sainte Église, nous sommes comme balle de son dans le vent. Alfred
de Wessex te souhaite une longue et riche vie, un règne divinement éclairé et
un royaume sûr.
Guthred le remercia et conclut en demandant
plaintivement si Alfred de Wessex enverrait de l’aide à la Northumbrie.
— De l’aide ? répéta Beocca, ne
sachant trop que répondre.
— Il me faut des lances, précisa Guthred,
tandis que je me demandais comment il comptait tenir le temps que des armées
saxonnes le rejoignent.
— Il m’a envoyé, répondis-je.
— Meurtrier ! cracha Hrothweard qui
décidément ne renonçait point.
— Il m’a envoyé, répétai-je. (Je lâchai
la main de Gisela puis rejoignis Beocca et Steapa au milieu de la nef. Beocca
tenta de me faire taire, mais Guthred voulait m’entendre.) Il y a plus de deux
ans, rappelai-je à Guthred, Ælfric est devenu ton allié et ma liberté a été le
prix de cette alliance. Il a promis de détruire Dunholm, mais j’apprends que
Dunholm est toujours debout et que Kjartan vit encore. Voilà
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