Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
peu plus tard. Vous me le passez pour une heure.
    Leroux pose sa pioche et retire sa veste   :
    — Vous voilà bien mystérieux   ! Je ne comprends pas, vous avez déjà un pull-over. Il est en loques mais vous en avez un.
    — J’espère vous le rendre dans moins d’une heure. Alors, vous comprendrez.
    L’abbé Gabriel Gay, en quelques secondes, se retrouve en chemise. Il enfile le gilet de laine du déporté, puis le sien.
    — En route maintenant. Ne forcez pas trop Monsieur Leroux   ! Mais n’oubliez pas de remuer pour ne pas attraper froid. À tout de suite   !
    L’abbé pousse sa brouette pleine dans le fond du fossé antichar que les déportés creusent entre deux collines. Une tranchée de six mètres de large et quatre de profondeur. Il s’arrête près d’un homme âgé   :
    — Ça va   ?
    — Le Kapo nous laisse en paix depuis un bon quart d’heure. Mais ce froid   !
    — Certainement moins 20°. À ce propos j’ai un petit cadeau pour vous.
    — Ah non   ! Vous m’avez déjà prêté vos sabots pour la journée… Depuis que vous avez reçu ces sabots (75) je les ai vus aux pieds d’une bonne vingtaine de camarades   ; jamais aux vôtres.
    — J’ai un pull-over pour vous.
    — Non   ! Il n’en est pas question… C’est le vôtre   !
    — Oui c’est le mien. Mais regardez, j’en ai reçu un autre.
    — Vous n’avez pas eu de colis, personne n’a eu de colis depuis plus de deux mois.
    — Je me suis débrouillé avec les civils tchèques. Allons vite, le Kapo peut descendre dans la tranchée.
    L’abbé retire sa veste, son pull-over déchiré.
    — Vous voyez bien, ce n’est pas un grand cadeau… Il y a des fenêtres pour les courants d’air. Celui que je garde est presque neuf.
    — Je n’en veux pas.
    L’abbé jette le tricot aux pieds du déporté.
    — Allons, nous avons assez perdu de temps. À bientôt.
    Gabriel Gay, d’un coup de reins, soulève les brancards de la brouette. L’homme hausse les épaules et se baisse pour ramasser le tricot.
    Une demi-heure plus tard, l’abbé retrouve Leroux   :
    — Voilà votre gilet. J’espère que vous n’avez pas eu froid. Vous grelottez   ?
    — Mais vous monsieur l’abbé… vous êtes en chemise sous votre veste.
    — Je vais vous expliquer. Je connais quelqu’un qui supporte moins que nous le froid   ; il n’avait pas de lainage, et il n’aurait jamais accepté de recevoir le mien. Alors je lui ai fait croire que j’avais deux pull-over. Dieu me pardonnera ce mensonge… je l’espère.
    *
    Hradischko, petit camp « accordéon (76)  », à une trentaine de kilomètres au sud de Prague, se compose de deux pauvres baraques. Les cinq cents déportés représentant douze nations ont « l’honneur » de servir un centre de formation S.S., installé sur les quarante kilomètres carrés de ce qui fut, avant la guerre, la « campagne dorée » de Prague. Les riches maisons de week-end de la haute bourgeoisie ont été transformées en casernes, les parcs en champs de manœuvres, le monastère en état-major. Toute la population civile des environs a été expulsée ou réquisitionnée sur place pour le Service du Travail Obligatoire. Quant aux déportés ils équipent le site   : terrassements pour l’instruction et la défense, adduction d’eau, construction de routes. La maîtrise du camp est aux mains des « droit commun » allemands.
    Les Français occupent la dernière place dans la hiérarchie des nationalités.
    L’abbé Gabriel Gay, après un « stage de formation » à Buchenwald et à Flossenburg, découvre Hradischko le 5 mars 1944.
    — Ma nouvelle paroisse (77)   !
    Pour ses camarades il est   : « l’abbé » . Pour les S.S. et les Kapos   : « Pastor ».
    Myope, ses verres de lunettes sont maintenus par un assemblage de fils de fer   ; il met un malin plaisir à se « presser lentement ». Son Kapo, « le gorille de Hambourg » , véritable terreur du Kommando, prend l’habitude d’étrenner chaque nouveau gummi, chaque nouvelle matraque, sur les épaules du Pastor. Un jour, ou des S.S. de seize ans « apprennent » à surveiller les déportés, le gorille s’acharne sur l’abbé. Les S.S. sourient et l’un d’eux oblige le déporté à pousser sa brouette au pas de gymnastique. Mais le gorille estime que son « Pastor » ne court pas assez vite. Il prend la baïonnette du S.S. et poursuit l’abbé en le piquant   :
    — Plus vite Pastor  

Weitere Kostenlose Bücher