Les sorciers du ciel
massacrée par les S.S. Ceux-ci, ayant reconnu des Israélites d’Auschwitz, les appelèrent l’un après l’autre, puis les tuèrent à coups de gourdin sur la tête ; ils faisaient rejeter les corps au fond du wagon. Ils voulurent tuer le petit Juif de Toulouse, mais de Dionne le sauva en affirmant qu’il n’était pas Juif (ce qui fut facilité par le fait qu’il n’avait pas du tout le type juif classique). D’autres moururent d’épuisement.
À l’arrivée, les S.S. ordonnent de descendre les cadavres des wagons et de les mettre en tas devant chaque porte.
— Les S.S. rassemblèrent les déportés devant la gare de Mauthausen. Les Français restèrent ensemble. Comme Le Dref était très malade (il avait une fièvre violente et une maladie pulmonaire), l’abbé Vallée et de Dionne décidèrent de le placer entre eux pour le soutenir. Ils durent marcher lentement à cause de la fatigue de Le Dref. Le sol était glissant et il neigeait. Ils arrivèrent enfin au camp. La porte d’entrée était surmontée d’un aigle. À cinquante mètres en arrière se tenaient des S.S. Ils posaient à chacun la même question : « Es-tu bien portant ? » Dionne et Vallée dirent « oui », mais Le Dref répondit « non ». Cependant tous trois furent mis ensemble, à droite, avec un groupe d’environ cinq cents détenus, parmi lesquels plusieurs enfants ou adolescents d’à peine vingt ans, Polonais ou Ukrainiens. Vers une heure de l’après-midi, on leur ordonna de se déshabiller. Il faisait très froid ; la neige recouvrait le sol, et la température était de plusieurs degrés au-dessous de zéro. On les fit, ensuite, mettre cinq par cinq et on les emmena à gauche de l’entrée. Pendant ces divers mouvements, arriva l’adjoint du commandant. Il poussa divers hurlements, brandit sa matraque, frappa un certain nombre de détenus. On laissa les prisonniers debout. Il faisait terriblement froid. Vallée dit à de Dionne : « Je crains que cela ne se termine très mal. » La souffrance faisait hurler certains détenus. Les S.S. alors allèrent chercher des lances et arrosèrent les groupes avec de l’eau froide. Vallée dit encore : « C’est la dernière absolution. » La nuit tomba peu à peu. On les fit se placer entre la lingerie et le mur extérieur du camp où se trouvait un mirador. La nuit venue, le froid augmenta. De Dionne l’évalua à moins 15°. Bientôt Le Dref mourut. D’autres hommes tombèrent ; ils tournaient d’abord sur eux-mêmes, puis tombaient. Les rangs s’éclaircissaient.
— Beaucoup d’entre eux, les Russes et les Polonais qui formaient la majorité du groupe parlaient allemand. L’un des S.S. dit à un Russe : « Il nous faut un certain nombre de morts. Des Russes et des Polonais pensèrent sauver leur vie en tuant un certain nombre de voisins et en fournissant ainsi aux S.S. les morts dont ils avaient besoin. Ils attaquèrent donc aussitôt, essayant de tuer les voisins en les écrasant contre le mur. C’est ainsi que de Dionne fut violemment poussé contre le mur et blessé à l’épaule, à la hanche et la fesse. Malgré sa douleur, très vive, il réagit et étrangla le Polonais. Cette réplique énergique intimida les autres qui ne s’attaquèrent plus à lui. Quelques cadavres gisaient par terre. Non loin, sur un tas de sable, les enfants assis pleuraient. Ils moururent tous de froid. Au fur et à mesure que passaient les heures, des hommes tombaient, morts, d’autres hurlaient. Ces hurlements furent parfaitement entendus des blocks du camp de Mauthausen. Les déportés qui étaient occupés à la lingerie virent très bien le groupe nu, tout près (97) .
— Vers 11 heures du soir, ce qui restait du groupe (il y avait peut-être déjà cent cinquante morts) fut emmené aux douches. Il y eut un court moment d’espérance ; Le Durgeon crut que le martyre était fini… Il ne faisait que commencer. À l’entrée, Bachmeyer, vint offrir un revolver à un prisonnier en lui disant de se tuer. Comme il refusait, l’Allemand l’abattit d’une balle dans la tête.
— Quand tous les détenus furent entrés dans les douches, on jeta sur eux de l’eau glacée. On avait pris soin de fermer les évacuations d’eau : elle monta et atteignit bientôt cinquante centimètres. Ceux qui tombaient se noyaient. Il était impossible de grimper sur la marche surélevée qui entourait la pièce car les S.S. l’occupaient.
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