Les sorciers du ciel
peur. » « C’est vraisemblable coupa un S.S., son nom ? » Le commissaire répondit gravement : « Gustave. »
— Zaim Zmaïev, le tartare, créa la sensation de la séance, effaçant mon petit « succès ». Il prit la main d’un S.S., l’examina et prononça une seule phrase, une seule : « Mussolini est sain et sauf et fidèle à l’Allemagne ; si le Führer ne parvient pas bientôt à le délivrer, il sera extradé en Amérique ! » Après, nous avons eu tous droit à un repas pantagruélique ! Il y avait bien longtemps que nous n’en avions eu autant (105) .
Le plus surprenant de l’« affaire », c’est qu’à l’heure même où Himmler interrogeait ses « mages », Otto Skorzeny s’abîmait avec son avion au large de Santa Maddalena :
— Le mercredi 18 août (106) … l’équipage du Heinkel 111 avait fait le plein, nous partîmes peu après quinze heures. J’avais donné l’ordre de monter rapidement à cinq mille mètres. Je voulais de cette altitude survoler le port, cap au nord. J’étais installé dans le cockpit au canon de bord. À côté de moi, la caméra et la carte marine que je voulais annoter. J’étais tranquillement plongé dans la contemplation de la mer, quand la voix du mitrailleur de queue me parvint dans les écouteurs : « Attention, deux chasseurs anglais derrière nous ! » Notre pilote amorça un virage. J’avais moi-même le doigt sur la détente du canon et j’attendais qu’un objectif s’offrît à moi. Le commandant de bord avait déjà remis l’appareil en ligne. Je pensais que tout se passait bien lorsque je vis le nez de l’avion s’incliner droit vers le bas.
— Lorsque je me tournai, je vis le visage du pilote crispé dans son effort pour maintenir l’appareil. Un coup d’œil à l’extérieur : le moteur de gauche était arrêté. À une vitesse effrayante, nous foncions vers la mer. Il n’était plus question de penser à sauter. J’entendis encore dans le microphone une voix me crier : « Cramponnez-vous ».
Skorzeny s’évanouit. Arraché du cockpit par le pilote, il se « réveillera » dans un hôpital avec trois côtes cassées (107) .
CHAPITRE X
LA PAROISSE DE L’ABBÉ LAVALLART
À Neuengamme, lorsque « l’hôtesse d’accueil » a hurlé :
— Les médecins sortez des rangs !
— Les robes sortez des rangs !
… Il a fermé les yeux. Une seconde. Derrière lui un déporté a lancé :
— Vas-y curé ! Sinon ils vont te tabasser à mort et nous aussi. Si tu crois passer inaperçu avec tes presque deux mètres et ta soutane.
L’abbé Émile Lavallart s’est retourné vers le raflé de Figeac :
— Regarde bien avant de gémir. Je n’ai plus « ma robe ». Elle est restée quelque part sur la voie entre Compiègne et ici.
Un autre déporté, lui aussi de Figeac, a serré le poignet de l’abbé.
— Merci de rester avec nous. Nous aurons besoin de vous.
Apprentissage de la déportation : courses, cris, brutalités et sur la place d’appel :
— On est dix mille environ (108) , bien alignés. Le ciel n’a pas été purgé par l’orage. Il fait lourd cependant que des nuages de plomb oxydé courent en se culbutant vers le sud-est. La musique à notre gauche rythme une mazurka. On est muet. Est-ce pour notre détente ? Tout le monde est là ; les chefs et sous-chefs rôdent, mauvais, autour de leur troupeau angoissé. La formation laisse un carré libre au bon milieu, de trente sur trente. Bientôt, deux géants en béret de marin apportent sur leurs puissantes épaules un portique de gymnastique ; derrière, un troisième porte une table, un petit escalier et un tabouret.
— Fête de gymnastique ? Non ! Deux nœuds coulants tombent du portique, on va pendre deux hommes ! Lesquels ? Pris au hasard ? Des Français ? Des nouveaux ? Les yeux se closent, les forces blêmissent, les mains se crispent sur les cuisses, les genoux jouent des castagnettes. Les chefs lancent des volées de gifles aux tendres. Il faut ouvrir les yeux, bien en face, voir cette potence, regarder droit ce gibet… J’ai la chair de poule. Je serais horripilé si j’avais encore les poils de ma chair.
— Quart d’heure qui dure. La musique attaque une valse tandis qu’un officier s’avance à bicyclette. Après avoir ajusté son monocle, il lit un petit papier qui est immédiatement traduit dans toutes les langues
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