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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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23 décembre (17) , Sherrer me fit appeler et me dit   : « J’ai ton affaire. » Je demandais à Henri Macau, cuisinier spécial des Kapos de me faire des hosties avec de la farine blanche. Marc Zamansky copia le canon de la messe, reconstitué intégralement de mémoire, sur du papier pris au bureau (18) . Henri Sherrer trouvera, par la suite, un livre de messe, édité par la J.O.C., dans les bagages d’un Juif hongrois. Le vin de messe   ? Sherrer avait volé un fond de Traminer sur la table du commandant Ludolf. Le 24 décembre, nous nous retrouvâmes à minuit dans la chambre de Sherrer   : Marc Zamansky, Paul Arrighi, Pierre Traversat, Pierre Barbier (19) , Robert Guichet, Robert Monin, William Courrier – Bossan, Marcel Faure et moi… Dans tout le camp   : cris, beuveries, chants, orgies… Dans cette chambre silence, recueillement, émotion sous la garde vigilante du chef de block Henri Sherrer.
    — Paul Arrighi (20) lit à notre usage le texte de la messe qu’il a traduit en français. L’abbé a revêtu, pour la circonstance, un vêtement de bagnard à peu près neuf que le magasinier lui a prêté. Les hosties sont un peu lourdes mais malgré leur épaisseur c’est pourtant du pain pur, cuit par un ami. C’est ainsi, dans une atmosphère d’intense piété, qu’est célébrée cette messe des catacombes. Nous y communions au corps du Christ, validement consacré   ; Christ dont le sang validement consacré a validement coulé dans ce verre tenant lieu de calice, auquel notre prêtre a communié. Ainsi également, quelques saintes hosties, consacrées par l’abbé Varnoux, lui permettront, par la suite, de donner la communion à nombre de vivants et de mourants.
    Une nouvelle fois, l’abbé Varnoux a changé de Kommando   : il retrouve l’usine souterraine. En un an les déportés ont creusé treize kilomètres de galeries… En un an, près de dix mille morts.
    — C’est (21) le 1 er  février. Notre groupe est composé de dix Russes et Polonais… Je suis effrayé par la peur qui se lit dans tous les regards. Ce fut une très dure journée. Le lendemain, avec Pierre Saint-Macary et Ernest Chandezon, nous décidons de mettre un peu de joie dans cette peur. Nous partons pour la mine en chantant   ; trois voix au milieu de ces mille cinq cents esclaves qui traversent, tête basse, la ville de Melk. Arrivés à l’usine, le travail nous est distribué par le Kapo de galerie. Nous devrons charger un wagonnet avec tout ce qu’arracheront de la paroi des camarades maniant le marteau piqueur.
    La galerie a quatre mètres de large, deux mètres de haut   ; il faut avancer de un mètre cinquante au moins, pendant les huit heures de travail forcé sans aucun arrêt. Les trois Français, armés de leur pelle se trouvent placés derrière quatre marteaux piqueurs tenus par un Polonais, un Grec, un Russe et un Français. Le Polonais commence par déclarer   : « Hier, nous n’avons pas assez travaillé, aujourd’hui le Kapo nous a dit de faire deux mètres. Il va falloir aller très vite. »
    — Nous ne sommes pas venus là pour « travailler », mais pour y semer « la joie ». Nous répondons à ces propos du Polonais par des éclats de rire car nous avons vu sur les murs des marques qui indiquent que la veille, comme l’avant-veille, comme chaque jour, le mètre cinquante a été dépassé. Nous chantons. « Nous verrons bien ceux qui seront crevés les premiers. Allons-y   ! Allons-y   ! » Les marteaux piqueurs forent la paroi, arrachent vite, vite, les pans de mur et nous trois vite, vite, nous chargeons le wagonnet. Vite nous le roulons à la sortie de la galerie ou d’autres camarades alimentent un tapis roulant   ; vite nous revenons en montant sur le wagonnet   ; (« strictement interdit ») et vite, sans arrêt, vite, nous recommençons. À ce régime, on a vite chaud. Dans ce tunnel humide et glacé tous travaillent en pull-over et veste. Nous enlevons la veste, le pull, nous retroussons les manches de chemise et volent les pelles   ! volent… si bien que le contremaître civil félicite le Kapo d’avoir de si bons ouvriers, si rapides, si consciencieux et surtout si joyeux. Nous chantons. Au bout d’une heure et demie, les quatre marteaux piqueurs, suant, soufflant, furieux, s’avouent battus. « Doucement », disent-ils, chacun dans sa langue. Nous répondons   : « Ah non   ! Comment doucement   ? Les deux mètres ne seront jamais

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