Les sorciers du ciel
Mauthausen en lui recommandant de veiller tout particulièrement à la protection et à la conservation de tous les vestiges archéologiques. Embarras du commandant : « L’amateur éclairé vient de quitter le camp, sac au dos, en abandonnant à la poussière et à l’oubli ses trouvailles. » Dans les mois qui suivirent, l’administration centrale de l’Ahnenerbe, par l’intermédiaire de l’office central S.S. d’Oranienburg ordonna que des musées soient créés dans tous les grands camps (25) .
Le commandant Franz Zieres convoqua le Hauptsturmführer Chmielevsky et lui expliqua que Mauthausen se devait de bâtir le plus beau, le plus grand, le plus riche « muséum » de tous les camps, que ce « muséum » devait s’élever sur le terrain même du champ d’amphores et qu’il n’était pas très difficile de trouver, dans le lot des pseudo-intellectuels polonais un spécialiste des fouilles et du classement des « bibelots ».
À cette époque, si l’on excepte les secrétaires autrichiens du « bureau du travail » et quelques Kapos allemands, tous les déportés de Gusen sont polonais.
— On recherche…
Le père Jean Gruber, secrétaire, bondit sur la note signée Chmielevsky :
— Ça, c’est pour moi !
L’aventure la plus extravagante sans doute de toute l’histoire de la déportation commençait.
*
— Les (26) conditions de travail à Gusen n’étaient pas différentes, en principe, de celles que connurent les déportés de Mauthausen. En fait, seul Gusen I (27) connut un régime comparable à celui de la maison-mère. Deux carrières, percées dans le flanc des collines qui dominaient à l’ouest le camp étaient exploitées par la société Deutsche Erd und Steinwerke dont le siège était à Berlin et qui se trouvait entièrement aux mains des S.S. (ce qui explique que la plupart des K.Z. aient eu leur carrière). Celles de Gusen I occupaient environ mille cinq cents hommes ; la belle pierre était exportée par le petit chemin de fer qui longeait le pied des collines ; les déchets étaient acheminés par wagonnets que poussaient les détenus, vers un énorme concasseur à la construction duquel les Espagnols avaient, dès leur arrivée à Gusen, été employés : des centaines d’entre eux y étaient morts. Au début de 1943, la société Steyr installait à Gusen quelques ateliers, situés entre les carrières et le camp. On y fabriqua des pièces détachées de mitraillettes et de revolvers. Puis la société Messerschmidt, à son tour, créa, à quelque distance au sud-ouest du camp, des ateliers de montage de carlingues. Dans ces divers ateliers, deux équipes se relayaient quotidiennement, effectuant chacune douze heures de travail continu. Du moins y était-on à l’abri des très fortes chaleurs de l’été et des froids de l’hiver, auxquels succombèrent tant d’hommes employés aux carrières.
— Meurtrier entre tous fut, au contraire, le travail du percement des galeries au flanc des collines, à quoi furent employés la plupart des internés de Gusen II dès la création de cet établissement. Un groupe de galeries se trouvait à peu près à hauteur de Gusen II : c’était le chantier dénommé Kellerbau. Un autre chantier, le Krystallberg Kommando, se trouvait au village de S. Georgen, à trois kilomètres environ vers le sud, en direction de Linz ; les déportés y étaient conduits dans les bennes du petit chemin de fer à voie étroite. Dans les derniers mois de la guerre fut entrepris le percement de galeries nouvelles, plus loin encore vers le sud, vers Linz. Ce devait être le Kommando de Gusen III. Ce dernier projet ne put être mené à bien. En revanche, les galeries du Kellerbau Kommando et celles de Krystallberg furent achevées en un temps record, mais au prix de milliers de morts. À Krystallberg, les machines avaient pu être mises en place dès le début de 1945 ; elles tournèrent quelques semaines. Au Kellerbau, elles venaient tout juste d’être montées lorsque le camp fut libéré par les Alliés. Dans ces tunnels, la société Messerschmitt comptait replier beaucoup de ses usines, sévèrement pilonnées dès 1943, par les bombardements de l’aviation alliée. Les Totenbücher signalent un nombre important de morts accidentelles survenues sur ces chantiers. Trois équipes s’y relayaient en vingt-quatre heures. Travail particulièrement exténuant. Mais plus dure encore pour les
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