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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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on s’aimait, avant qu’il s’affole à la vue des tendrons ! Je suis allée au commissariat, mais les flics, ils s’en contrefichent, ils n’savent pas ce que c’est un paroir !
    — Moi de même. De quoi s’agit-il ?
    Gaétan Larue considéra le nouveau venu.
    — Ah, mais c’est monseigneur Amadeus ! On ne vous entend jamais venir, vous ! Et puis qu’est-ce que c’est que ces oripeaux ? Ce n’est pourtant pas carnaval !
    — Ben, si ça lui tient chaud, intervint Angélique.
    Elle sentit un frisson lui parcourir les omoplates. Elle détailla le visage du nouveau venu. Il avait du charme, comment ne l’avait-elle pas constaté plus tôt ? Car, chaque jeudi, depuis un mois, elle disputait des tournois de piquet en sa compagnie, l’après-midi, dans sa cuisine, quand les enfants étaient au catéchisme.
    Amadeus se contenta de sourire. Agacé par le comportement d’Angélique Frouin, Gaétan Larue venait de trouver sa victime expiatoire, il revint à la charge.
    — Vous êtes bien pédant pour un type de votre condition. C’est avec ce que vous raflez au jeu que vous réglez votre tailleur ? Sa coupe est datée !
    — Nous y voilà ! La mode, la mode ! s’exclama Ferdinand Pitel qui venait d’arriver. Ce n’est pas le paraître qui importe, c’est l’être ! J’t’en ficherai du monseigneur  !
    — Brisons là, messieurs, déposons les armes. Je ne suis qu’un roturier qui assure sa subsistance en vendant des almanachs et des articles de bureau, rétorqua Amadeus sans se départir de sa mine affable. Je suis également fort aise d’apporter de la distraction à ceux que la maladie, l’isolement ou l’ennui éloignent de leurs contemporains. Durant quelques parties ils oublient leur fardeau. Je me consacre aux échecs, aux dames, au trictrac, aux dés, cette activité me donne l’opportunité d’observer les mœurs de mes congénères. Parfois je perds, souvent je gagne et ils me payent, c’est une règle à laquelle je ne déroge jamais. Sans rémunération, ils auraient l’impression que je pratique la charité, leur satisfaction serait gâchée.
    — Vous êtes pour ainsi dire un colporteur qui se penche sur la solitude des affligés, ironisa Gaétan Larue.
    — Oh, non, je risquerais de tomber ! Actuellement, je propose mes services à une vieille passionnée d’écarté et à un paralytique fervent de bataille. Je fais le quatrième au poker avec trois joueurs invétérés de mon quartier dont l’ami est à l’hôpital. Je lis aussi les tarots à une grand-mère tous les après-midi, elle mise sur un héritage, j’entretiens ses illusions. Alors, madame Frouin, ce paroir, ce n’est donc pas une parure de diamants ?
    — Vous rigolez ! C’est un long couteau qu’on maintient par une extrémité à un établi et qui sert à tailler les sabots, répondit Ferdinand Pitel.
    — C’est vrai, vous êtes cordonnier, vous. Je vous confierai mes bottes à ressemeler, elles en ont vu, du pays, j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux.
    — Avant de monter à Paris, on vivait à Camembert, un village proche de Bayeux, intervint Angélique Frouin, ulcérée du peu d’attention qu’elle suscitait. Mon mari était sabotier. J’vous jure, j’en ai gros sur la patate ! On m’a cassé un carreau, j’ai calfeutré le trou d’un papier journal, seulement avec ce froid va falloir que je le remplace dare-dare et ça va rogner mon budget !
    — Un orgelet, ça fait mal, ça ! baragouina l’Odeur, revenu du café, l’haleine encore plus avinée.
    Il prétendait être sourd, ce qui, cumulé au vin, lui sauvait la mise quand un client chicanait les prix.
    — En tout cas, on échappera au vent et à la pluie, prophétisa Lucas Le Flohic.
    — Si vous voulez, Ang… madame Frouin, votre vitre, je m’en occuperai la semaine prochaine et ce sera gratis, dit l’élagueur à voix basse.
    — Ah, ça, c’est gentil, m’sieu Larue. Je vous le revaudrai au centuple, garantit-elle en minaudant.
    Ce fut l’instant que choisit le piqueur 1 du VII e  arrondissement pour se manifester.
    — Bonjour, monsieur Pérot, je suis chargé de confirmer de visu votre investiture officielle à ce poste. Je suis enchanté de constater qu’aucun quiproquo ne s’est produit et que la même concession n’a pas été allouée à deux titulaires. Laissez-moi vous lire quelques extraits du règlement :
    « Le marchand doit être muni d’un livre de police sur lequel

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