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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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du trépas du prince de Galles parce qu’il était un mauvais homme… Et de celui de son père qui l’était aussi… Mais je me dis que bien qu’ils les aient perdus, les Anglais batailleront toujours.
    – Que crains-tu ? demanda de loin Maguelonne en déposant dans l’évier une pile d’écuelles.
    Dans les lueurs du soleil couchant, les poings soudainement aux hanches, elle semblait le défier. Il sourit :
    – Dans quelques années, l’Angleterre aura sans doute un roi plus méchant que ces deux hutins. Déjà, on doit former ce Richard II enfant pour qu’il soit en mesure de reconquérir les terres que les hommes d’armes de la Grande Ile ont occupées. Alors…
    – Alors ? interrogea Sibille que les propos de son beau-frère épouvantaient.
    – Alors, ce seront nos fils qui devront s’adouber pour la guerre… Et je t’en fais l’aveu, Sibille, et à vous, Alazaïs et Maguelonne, et à vous aussi mes amis, j’ai peur non seulement pour mon hoir mais également pour les vôtres.
    Tous regardèrent les enfants attablés pour une partie de jonchets.
    – Quand ils ne jouent pas à la guerre, c’est leur riole favorite.
    Paindorge approuva Lebaudy.
    – Je ne me plains pas, dit Tristan, qu’ils passent ainsi leur temps. Il faudra qu’un chapelain vienne vivre céans. Il apprendra l’écriture, la lecture non seulement à vos gars mais aussi à ceux qu’ils ont pour compains. Le village se peuple. Il importe que Dieu soit à proximité.
    Les joueurs étaient sept, à peu près du même âge, auprès d’Hélie. Tristan et Yvain, ceux de Paindorge et d’Alazaïs ; Espaing, celui de Lebaudy et de Sibille, Ernauton, Sicard, Percevaux et Mennault, quatre fils des serviteurs. Les fillettes jouaient dans la cour : les premières vesprées de mai exhalaient une douceur, une tiédeur paisible dont les hommes eussent pu profiter si Tristan avait quitté la table.
    – Nos hoirs poussent bien, dit Paindorge.
    – Il le faut, dit Lebaudy. Je suis de l’avis de messire Tristan : les Goddons reviendront épris de revanche. Nos gars seront en mesure de leur faire visage (419) .
    Hélie poussait, lui aussi. Depuis six mois, cependant, il aratelait 248 par trop. Il advenait que le souffle lui manquât au point qu’on eût pu croire que d’invisibles mains lui pressaient le cou. Puis l’air revenait dans sa gorge. Il souriait et perdait tout ce rouge qui avait afflué sur ses joues. « Ah ! » disait-il en tapotant, du plat de la main, sa poitrine.
    Maguelonne s’inquiétait sans doute exagérément de ces suffocations que l’enfant acceptait comme un inconvénient sans plus de gravité qu’un rhume. Deux fois déjà, elle avait fait venir un mire : Girauldon d’Alaigne, réputé pour ses pronostics et ses remèdes infaillibles. «  L’asmat 249  », avait-il déclaré. « Cela passera. » En dépit d’une médecine dont la belle-dame 250 composait l’essentiel, la guérison se faisait attendre. Il semblait même que le mal empirait.
    – La sauge, le fenouil, la bétoine, voilà peut-être ce qu’il lui faudrait, suggérait Tristan.
    – Qu’en sais-tu ? ripostait Maguelonne. Tu n’as pas de science !
    Il eût fallu consulter un autre praticien. Elle s’y refusait : elle avait confiance en ce mire grand et maigre dont la face morne et ronde ne s’adoucissait même pas en présence du jeune malade.
    – Jamais Hélie ne guérira si tu demeures aussi obstinée. Cet homme ne vaut rien. Il me paraît un prêtre en disgrâce de Dieu.
    Cela pensé souventefois et cela dit, Tristan laissait faire. Ce Dieu qu’il invoquait seul, à l’abri des regards, derrière quelque fourré de la forêt voisine, guérirait son enfant. Et si ce n’était Dieu, ce serait Notre-Dame !
    Souvent, sans que quiconque, sans doute, s’en aperçût, il observait Hélie dans ses jeux. Il advenait rarement qu’il perdît son souffle. C’était un gars aux cheveux mi-longs, toujours rieur, dont le visage aux yeux légèrement bridés, au nez court, à la bouche large, exprimait une joie de vivre qui eût dû plaire et rassurer sa mère. Son amitié ne se multipliait point. Il frayait toujours avec les mêmes enfants et ne les traitait jamais en vassaux. Si les propos sur la guerre, auxquels il se montrait attentif, épouvantaient parfois ses compères, l’idée de la mort n’atteignait pas son esprit. Bien que dix, vingt questions l’obsédassent, il n’osait interrompre les propos des

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