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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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282 le contraire. J’étais à Poitiers auprès de votre père. J’ai sauvé votre ainsné frère, le roi de France, sur le chemin de Chauvigny et suis revenu dans la presse. Je ne me souviens pas que Guesclin y était. J’ai failli mourir, un carreau dans le dos… Je n’ai fait qu’obéir… Tenez : j’étais à Brignais par mandement de votre père, messeigneurs… J’ai failli y laisser ma vie… Je n’ai pas vu Bertrand dans cette grosse bataille-
    Il avait éludé son incursion en Angleterre où il avait mestrié 283 un long moment le prince de Galles : ces trois bouffis d’orgueil n’y eussent pas cru. Et s’il ne citait pas Cocherel, c’était qu’il s’agissait d’une sombre et médiocre victoire d’où Guesclin seul était sorti resplendissant.
    – Il me semble donc, messeigneurs, n’avoir aucune leçon à recevoir, même de vous, sur l’emploi de mon ose 284 et sur le dévouement qu’il sied d’avoir envers la Couronne. Pour elle, j’ai versé mon sang à profusion.
    Tristan fit un effort immense pour se contenir. Guesclin approcha du sien un visage dont la malaisance soudaine aggravait, s’il en était possible, la laideur :
    – Viens-t’en ! Tu serviras au moins à quelque chose.
    Pressentant une querelle de conséquence, des passants alentissaient leur pas. Les deux ducs leur enjoignirent d’un geste de se hâter, ce qu’ils firent de bon gré, accoutumés qu’ils étaient aux injonctions et molestes.
    « Les infâmes ! Parce que Guesclin me veut, ils me veulent aussi !… Et pourquoi ? Pour rien. Je ne suis pas leur esclave ! Ma parole, Bertrand se prend-il pour le Cid ?… C’est dans les plus petites guerres qu’on meurt bêtement. Richard Cœur-de-Lion à Châlus, Chandos au pont de Lussac, d’autres même en de simples joutes !… Si je les suis… »
    Il refusa de se lancer dans la moindre conjecture ; le seul émoi qui passait dans sa chair et traversait son cœur, c’était d’abandonner Maguelonne et leur fils pour la première fois.
    La tête lui tournait. Les idées ne lui venaient plus que comme des secousses blessantes, légères mais inguérissables. Ce qu’il éprouvait en présence de ces trois-là – Quéguiner s’en était allé – c’était surtout, conjointement à son évidente male chance, un sentiment de petitesse et de fragilité. Tout ce qu’il avait porté en lui de force active n’était donc qu’une illusion ?
    – Messeigneurs et toi, Bertrand : si je suis au Puy, à quatre-vingts lieues de mon châtelet, ce n’est pas pour guerroyer à l’entour !… J’y suis venu soigner mon fils.
    – Il me paraît haitié 285  !
    Guesclin venait de lancer sur l’enfant un regard d’un mépris tout aussi dédaigneux que si Hélie avait été éclopé de naissance.
    – Quel nom lui as-tu donné ? Lancelot, Gauvain, Perceval ?
    – Je m’appelle Hélie.
    Les yeux du Breton s’écarquillèrent.
    – Hélie ! C’est par Dieu le nom de mon secrétaire 286  !
    Le connétable tapota la tête de l’enfant. Soudain, il se voulait aimable et rassurant.
    – Bonne ou mauvaise graine d’homme, Sang-Bouillant ? L’avenir le dira. Quant à toi, guerroyer quelque peu te mettra les idées en place. Tu réapprendras à servir le roi et ses frères.
    Tristan serrait les dents. La présence des deux princes le retenait de vider son cœur. Il vit sans déplaisance approcher Maguelonne cependant que leur fils s’asseyait sur un seuil et s’adossait au chambranle.
    – Messeigneurs, messire, je vous supplie de me laisser mon époux ! Notre châtelet est si loin et les chemins si peu sûrs que je n’oserai jamais recommencer à l’envers ce long reze !
    – Demandez donc, dame, à celui-là de vous hourder 287  !
    Paindorge qui musardait les mains au dos venait d’apparaître et s’immobilisait, indécis, conscient qu’il ne pouvait reculer et qu’il allait être témoin d’un différend où ses amis n’obtiendraient que des désavantages. Il sourit toutefois à Hélie qui s’était porté à sa rencontre.
    – Le fidèle écuyer !
    Paindorge s’approcha. Les bras croisés pour soustraire sa dextre à la préhension du Breton, il s’inclina devant les princes. Bien qu’il ignorât leurs noms, il était suffisamment perspicace pour deviner leur qualité à la seule vue de leurs faces benoîtes, à leurs habits de velours de Gênes et de soie de Milan, à leurs heuses cordouanes. D’ailleurs, au frontal de

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