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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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leur chaperon noir brillait un gros lis d’or sur lequel Anjou venait de porter ses doigts enveloppés d’un chevrotin gris qu’une gentilfame eût trouvé plus à sa convenance. Tristan imagina ses propres mains, coriacées par les travaux champêtres. Aucun danger que monseigneur Anjou et son frère eussent appris ce qu’était une écharde !
    Les deux princes échangèrent un regard et un acquiescement :
    – Nous vous laissons, Bertrand… Vous savez où nous trouver.
    Bientôt, ils disparurent. Guesclin gronda, et Tristan se sentit tout à coup saisi aux épaules :
    – Tu ne peux refuser ! Ces deux-là ont des courroux terribles… Dans quinze jours, nous aurons vidé cette contrée de tous les malfaisants qui la souillent. Alors, tu reviendras chez toi, près de ta dame !… Je veillerai à ton élévation.
    – Je n’en ai nul besoin.
    – Prends garde… Je n’ai qu’un mot à dire. On m’honore et m’obéit partout. Je n’ai qu’à appeler quelques hommes du guet. Leur enjoindre : «  Saisissez-vous de lui. » Refuse à nouveau et c’est ce que je te réserve. Ensuite, tu seras jugé…
    – Je connais ta justice et ses aboutissements.
    – Sans doute voudrais-tu tirer ta lame contre moi… Je refuse. Car on ne se bat plus quand on est connétable.
    Paindorge eut un hoquet simulé auquel le Breton fut sensible :
    – Oh ! Toi, tu peux t’ébaudir. C’est ainsi… D’ailleurs, je ne souillerai point l’épée que le roi m’a remise en grand bobant 288 dans votre chair et votre sang !
    – Pars… Suis-le, Tristan, dit Maguelonne dont l’inquiétude s’aggravait. Je reviendrai à Castelreng avec Hélie et Robert.
    – Non, dame, décida Guesclin. Cet écuyer devenu culvert comme votre époux, je le veux aussi. Il s’est montré outrecuidant ? Je lui apprendrai l’humilité. Ils me suivront tous deux comme on fait pénitence.
    Guesclin se délectait de grossir son triomphe. Un à un, il les désarmait. Tous. Il semblait ménager Hélie. Jusques à quand ?
    Paindorge se taisait, la bouche, sans doute, fourmillante d’offenses. Il avait été flagellé dans sa dignité d’écuyer pour laquelle il avait autant de respect et de fierté qu’un moine à l’égard des vœux prononcés lors de son entrée en religion.
    – Tu es abominable.
    – Sais-tu que tu t’adresses au truchement du roi ?
    – Oui, Bertrand, je le sais. Comme toujours, je n’attends rien de bon de toi.
    – Cessez de vous jeter tous ces mots à la face !
    Qu’importait l’intervention craintive de Maguelonne. Les deux adversaires n’en avaient cure. Surtout Tristan :
    – Tu veux, Bertrand, que je te dise ?… Tu aurais dû rester près de ton Espagnole ! Tu ne nous incaguerais 289 point ce jour d’hui.
    La piqûre n’atteignit pas le Breton ou, si elle y parvint, il y fut insensible :
    – J’ai dû l’abandonner pour servir le roi Charles… Dolorès, je l’appelle ainsi… Dolorès m’a fait deux beaux enfants, ce qui ne semble pas le cas de ton épouse.
    – Oh ! fit Paindorge courroucé.
    Mais Guesclin était lancé.
    –  Ton épouse est moins belle que ta Sévillane.
    Et brusquement tourné vers Hélie et sa mère :
    – Il ne vous a rien dit de sa putain d’Espagne ?
    – Holà ! gronda Tristan.
    Il en était sûr, désormais : Guesclin cherchait la grosse querelle, celle qui, après les blessures des mots, s’assortit forcément d’un trépas. Contre cet acharnement, il convenait d’opposer une sérénité de surface. Tristan s’y obstina sans présumer jusqu’où durerait sa patience.
    – Ah ! Dame… Si vous saviez le bon temps qu’il s’est donné. J’ai dû souventefois modérer ses ardeurs. Il aurait empalé jusqu’à de petites Juives faussement innocentes…
    – Menteries ! hurla Paindorge indigné. Menteries, Maguelonne !
    Tristan n’avait trouvé qu’une issue à son indignation : tirer son épée du fourreau. Il n’avait dégagé Teresa qu’à moitié. Il sentait son pommeau sur sa paume, dur, poisseux, formidablement chaud – comme si son contenu brûlait.
    – Laisse-le déployer ses sornes, dit-il à Maguelonne. Et moi, mon fils, je t’adjure d’oublier, tout connétable qu’il soit, cet homme et ses propos.
    Maguelonne semblait profondément navrée. Son regard scintillait de reproche et de larmes.
    « Tudieu ! Je n’étais pas puceau lorsque je t’ai connue… Oui, il y a eu la Sévillane. En ce temps-là,

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