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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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respect et la crainte, le doute et la confiance. La clarté doucereuse des vitraux, la pesanteur de la pierre et le mystère au-devant duquel ils s’aventuraient comme des coupables en présence de leur Juge annihilaient leur volonté. Ils faisaient un pas, s’arrêtaient, recommençaient pareils à des voyageurs perdus jusqu’à ce qu’Hélie leur eût dit :
    – Là-bas.
    C’était un gros buisson de cierges et de chandelles que leur avait occulté un pilier. Au fond du chœur, ils embrasaient peut-être cette Vierge sombre dont Maguelonne, surtout, redoutait une impossible malfaisance.
    Tristan pressa doucement la main de son épouse :
    – Nous sommes entrés… C’est à nous d’accomplir…
    « Accomplir quoi ? » se demanda-t-il.
    Il lui semblait que son souffle s’amenuisait.
    – Père a raison, Mère, dit Hélie. Pourquoi attendre ?
    Il avait trouvé une sorte de maturité. Il était insensible aux murs rêches, aux figures des saints à l’aguet dans leurs niches d’ombre et qui, par un vitrail cassé, supportaient le voisinage d’un ciel soudain tout aussi tourmenté que leurs physionomies. Bien que leur présence eût dû la réconforter, Maguelonne évitait leurs regards calcaires, leurs sourires et leur expression de bénignité.
    – N’aie crainte. Nous sommes entrés. Dieu l’a voulu.
    Comme son fils, comme sa femme, Tristan subissait surtout la fatigue de l’abrupte montée. Comme eux, il luttait contre une anxiété de plomb. Il entrevit, au fond du chœur, seul endroit ostensiblement clair, un prêtre ou un évêque dont l’étole d’écarlate paonnage 271 brodée d’or scintillait comme un firmament nocturne. On eût dit un astronomien plus qu’un clerc ou un prélat.
    – Mon père… mon père…
    Un visage jeune, séraphique ; une voix dont la compassion différait de celle d’Hervieu de Cubières :
    – Dites-moi, mon fils, la raison de votre émoi.
    Tout, soudainement, devenait simple.
    Hélie fut déposé sur la Pierre aux Fièvres. Des prières furent dites pour sa guérison. La Vierge Noire, qui avait un long nez et des yeux exorbités, fut aussi sollicitée. Agenouillé entre ses parents, Hélie, mains jointes, semblait muet. Cependant ses lèvres remuaient et des larmes glissaient sur ses joues tandis que le prêtre récitait en sa faveur :
    Salve, felix Virgo puerpera
    Fœcundavit te Sanctus Spiritus
    Tu es facta tota divinitus, o Maria
    Esta, Mater, nostrum solatium
    Nostrum esta, tu Virgo, gaudium
    Subvenias famulis, o Benedicta, tuis (425) ,
    C’était une prière raccourcie à l’essentiel, mais ce n’était ni la longueur ni le poids des mots qui pouvaient guérir Hélie. C’était sans doute la sincérité de sa piété, la ferveur de sa requête, le désespoir et l’espérance dont sa voix s’était tout à coup chargée. C’était peut-être aussi, tout bonnement, le pouvoir mystérieux de cette Pierre aux Fièvres sur laquelle il s’était allongé. Et puis, le dicton n’affirmait-il pas : «  Courte prière monte au ciel » ?
    –  Aie confiance, mon enfant, dit le prêtre, sa dextre circonvenant la tête de l’enfant comme s’il y cherchait une auréole. Je suis certain que Dieu, la Vierge et son Fils ont ouï ta requête.
    Il fallut retraverser le chœur feutré d’ombres sans rien voir d’autre que le grand huis entrebâillé sur une épée de lumière : celle du jour. Et sitôt dans la rue, Maguelonne parla :
    – Crois-tu qu’il va guérir ? Crois-tu que nous avons été suffisamment pieux ?
    – Oui, nous l’avons été.
    Tristan, du menton, désigna les nuées :
    – Regarde… Nos voix se sont dissoutes dans le ciel… Ne pleure pas et regarde : il redevient pur… Si pur que les moineaux et les coulons craignent de le salir.
    Aucun oiseau ne volait ni ne pépiait. La chaleur pesante et moite laissait présager un orage.
    – J’aimerais me coucher, dit Hélie, mais dans un lit plutôt que sur cette pierre. Elle m’a semblé jonchée d’épines.
    Ils redescendirent sans se parler, craignant peut-être de rompre l’espèce d’enchantement qui les avait subjugués.
    – Penses-tu qu’il nous faudrait recommencer demain ?
    Tristan, qui s’apprêtait à répondre, fut devancé par son fils.
    – Non ! protesta Hélie. Cette église m’a fait peur. Elle n’est pas comme Sainte-Marie.
    – Nous n’y reviendrons pas, décida Maguelonne.
    Tristan l’approuva. Ils étaient venus au Puy. Ils y

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