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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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j’étais marié à une autre que toi. Tu sais qu’elle est morte… Vas-tu te mettre à me juger ? Penseras-tu aux autres chaque fois que je te prendrai… de plus en plus rarement d’ailleurs, par ta faute ? »
    Il ne pouvait évidemment révéler à son épouse les vuiseuses 290 qu’il avait vécues avec Francisca. Il ne pouvait évoquer par enragerie, lorsqu’elle se regimbait contre ses désirs, toutes celles qu’il avait connues consentantes. Elles l’avaient guéri des malfaisantes servitudes de la guerre. Sa vie se composait alors de haine et d’amour alternés. C’était tragique, à dire vrai, de voir son existence réduite à des chevauchées progressivement effrayantes entrecoupées d’apaisantes coucheries. Il était passé des unes aux autres sans trop s’interroger – du moins le pensait-il maintenant. Et si, à Castelreng même, il avait failli être infidèle à Maguelonne, ce n’était pas parce que le goût du changement était dans sa nature, c’était parce que toute la ferveur de sa femme s’était reportée sur Hélie. Après qu’elle eut, par ses abandons, consacré leurs amours, elle avait décidé que l’abstinence – ou la mesure – sanctifiait la maternité. Alors, qu’avait-elle à se supplicier pour des faits qui dataient d’avant leur rencontre ?
    – Oublie-tout, lui dit-il. Nous en reparlerons.
    Puis, tourné vers le Breton :
    – Te demandes-tu, parfois, en raison du mal que tu fais, si tu mérites de vivre ?
    Nonobstant le respect assorti à sa charge, Guesclin encourait une question moins abrupte. N’importe : elle était dite. Le Breton eut un sourire oblique :
    – Demain, Castelreng, quand l’aube crèvera, je veux te voir tel quel au bout de cette rue… J’ai toujours dans mon charroi ton armure… et aussi ton haubergeon, Paindorge… Soyez présents. Sachez que je l’exige et que Dieu le veut.
    Il convenait de se soumettre afin de préserver l’avenir. Vivre, tout simplement, et nourrir l’espérance d’en terminer une bonne fois avec la bête malfaisante.
    Tristan s’inclina, feignant une résignation dont l’enragerie ne passa pas inaperçue.
    – Nous te suivrons, connétable… Advienne que pourra.
    *
    Auprès d’une Maguelonne immobile et qui feignait de dormir, Tristan passa une nuit détestable.
    « Pourquoi ce malebouche s’est-il acharné à lui faire du mal ? Pourquoi s’en est-il pris aussi à notre fils ? Qu’a-t-il à nous envier ? Lui faut-il encore et toujours ruiner tout ce et tous ceux qu’il approche ? »
    Hélie avait dix ans. L’enfant avait-il pressenti, lors des révélations du Breton à sa mère, l’inévitable et injuste prologue d’un crépuscule familial ?
    « Passerait-il par Castelreng avec ses fidèles qu’il anéantirait mon châtelet tout entier ! Non seulement les pierres mais aussi ma bonne gent. »
    Pourquoi, tout connétable qu’il fût désormais, cet homme de peu s’était-il acharné à l’inclure dans son ost en détruisant au préalable la fragile confiance d’une femme tout de même aimante alors que la présence de deux ducs garantissait un nouvel assujettissement de son ennemi à sa personne ?
    « Besoin de dévaster. Nécessité de cracher son venin. Dieu le veut, a-t-il dit ! Se prend-il pour sa dextre, la senestre étant au roi ? »
    La Bible n’était sûrement pas, pour ce vil dévot incapable d’écrire, péniblement, autre chose que son nom, l’alpha et l’oméga d’un catéchisme de l’honneur. Après s’être torché des commandements de la Chevalerie, il s’était vu accéder à la consécration suprême. Connétable, il régnait sur l’armée alors qu’il n’avait jamais conduit que des hordes de malandrins ! Comme il devait jouir de la déférence d’un souverain couard, podagre et sournois qui l’avait certainement hissé sur le pavois afin de mécontenter des chevaliers qu’il détestait de longue date parce qu’ils avaient été les témoins de sa vergogneuse fuite à Poitiers.
    « Il se rengorge… Il méprise la fierté sauf, évidemment, la sienne. Et si son âme obtient le repos dans le sommeil, encore qu’il soit sans doute à son image – tumultueux et taché de rouge -, elle ne le rend jamais serein. »
    Bertrand n’était exclusivement qu’un guerrier. Ennemi des Anglais, Juifs, Mahoms, persécuteur des vertus et des honnêtetés comme son prédécesseur Simon de Montfort, se pourrait-il qu’il connût un jour la

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