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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avaient accompli tout ce qui convenait à la guérison de l’enfant. Rien ne les contraignait à renouveler les rites auxquels ils s’étaient astreints.
    – Allons retrouver Robert. Demain nous partirons.
    – C’est ce que j’allais te proposer, dit Maguelonne. Je me languis de Castelreng.
    – Oh ! Oui, s’écria Hélie. Je suis sûr que Lérida s’ennuie de moi.
    Ce fut alors, au détour d’une ruelle, qu’un miracle eut lieu, satanique.
    – Guesclin ! grommela Tristan.
    Il ne pouvait s’éclipser. D’ailleurs, le Breton l’avait vu. Quittant les trois hommes qui l’accompagnaient, il se hâtait en ricanant.
    – C’est bien toi !… Je te croyais mort depuis ta fuite de Montiel.
    – Ma fuite ? Je n’ai jamais fui, tu le sais. J’avais depuis longtemps fini ma quarantaine. J’ai quitté un homme décapité. Il avait eu le tort de t’accorder sa confiance… Un roi que tu venais de trahir et en quelque sorte d’occire en intervenant dans un tençon 272 qui ne te concernait point. Si Pèdre de Castille est mort, c’est par ta volonté… ta volupté, dirais-je même.
    – Tu le révérais.
    – Tu sais bien que non. Ce que tu sais aussi, c’est que tes procédés sont déshonnêtes. Ce n’est pas déchoir que de respecter un roi légitime qui se bat contre un usurpateur. Même si c’est un roi cruel, épris de sang, à ton image.
    Tout en les proférant, Tristan regrettait ces paroles. Elles n’eussent point flagellé le Breton s’ils avaient été seuls, face à face. Or, excepté Quéguiner inquiet et comme malade d’attention, les deux autres compères du connétable semblaient de très grand estoc 273 . Derrière eux, trois arbalétriers attendaient, ébahis par cet esclandre qui laissait présentement les passants indifférents.
    – Tu me parais toujours aussi falourdeur 274 , Castelreng.
    Maguelonne n’osait trop examiner l’homme que son époux affrontait sans émoi apparent. Elle connaissait son nom et sa renommée. Quant à Hélie, une main dans celle de sa mère, il regardait le Breton et ses compagnons avec l’habituelle persévérance des enfants. Leurs faces hautaines et béates ne semblaient pas l’intimider ; cependant, lui jetant une œillade, Tristan trouva sa témérité aussi aventurée que la sienne.
    – Je te présente messeigneurs les ducs de Berry et d’Anjou, dit Guesclin moins pour amoindrir le courroux de son détracteur que pour assujettir sa position et prouver que désormais chef suprême et incontesté des armées, il avait changé de monde, partant d’amitiés – s’il était possible qu’il en éprouvât envers des gens de cette espèce.
    Tristan s’inclina. Quelque péremptoires qu’eussent été ses griefs, les lieux, les circonstances et le moment les rendaient malséants. Il fallait qu’il fît en sorte de considérer Guesclin comme un prud’homme accompli et non plus comme l’essentiel mercenaire du roi de France et du Trastamare. Mais tout de même, c’était un féroce inconvénient qui fondait sur lui à l’improviste. Il ne pouvait s’éloigner : son départ eût été comparé à une reculade, saluée certainement pas des rires. Quant à Maguelonne, elle découvrait un désagrément supplémentaire à ceux qu’elle avait subis. Un peu étourdie, elle entrevoyait entre son époux et le Breton l’aversion réciproque dont il l’avait parfois entretenue seul à seul ou en compagnie de Paindorge, Lebaudy et Lemosquet. Plus encore que la mauvaiseté humaine, le connétable incarnait pour cet esprit pur la forcennerie de la guerre et la haine avilissante qu’elle engendrait. Il était certes un être vivant, un bataillard envigouré, environné par les clartés de la renommée ; mais il était aussi la négation de l’espèce.
    – Ta femme ? dit Guesclin avec un bref mouvement du menton.
    – Oui.
    Sans se soucier d’Hélie, le Breton s’inclina cérémonieusement. Tandis qu’il se penchait, Tristan lui trouva le visage rouge, débiffé, l’œil toujours vif et ardent sous des paupières épaisses, enflammées, touchées de blanc aux commissures. La perte d’une dent gélasine rendait son sourire encore plus hargneux. De cette bouche-là, on se fût plutôt attendu à ouïr un grondement que cette voix toujours la même : revêche, chargée de mépris pour tous ceux qui n’étaient ni de son avis ni de son accointance. Il avait dû laisser son armure sur son sommier ou à l’hôtel. Avec son chaperon

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