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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prud’hommes – qui pourtant le connaissaient – le même respect que les jours précédents, composé d’admiration et d’envie.
    Tristan sauta en selle sans toucher l’étrier, mouvement d’autant plus aisé que nul fer ne lestait son corps.
    – Viens-tu, écuyer ?
    Aussitôt, le jeune homme fut à son côté.
    – Allons-y !
    Ils cheminèrent lentement vers les hauteurs où les murailles mordaient le ciel à belles dents. Le chaperon rejeté en arrière, les narines dilatées par le vent sec et le plaisir d’agir ; fortifié aussi dans son goût de déplaire au Breton par le mépris du danger qui pouvait paraître çà et là, mais auquel, Dieu aidant, il se déroberait, Tristan offrait à l’écuyer inquiet l’image d’un preux placide et de froid sang.
    – Qui es-tu ?
    – Olivier de Chassagne. Louis de Sancerre est mon parrain.
    Il était fier, ce damoiseau, d’un pareil patronage. Sous le viaire levé de son bassinet, il respirait avec délices la fraîcheur des cimes comme si celle-ci pouvait tempérer en son tréfonds la brûlure d’un cœur généreux aussi prêt à l’amour qu’à la guerre. Tristan se demanda ce qu’il devait admirer le plus en ce garçon : la volonté de merveiller son prochain ou l’abnégation de soi-même ?
    Les murailles se dressèrent devant eux. Par leur hauteur, leur noirceur, leurs nombreuses archères et leur crénelage serré, elles traduisaient grossièrement et lourdement une influence bien marquée de l’orgueil de leur propriétaire. D’elles-mêmes, elles révélaient que chaque assaut serait inutilement meurtrier. Les échelles n’atteindraient jamais l’embrasure des merlons. Aux chutes mortelles s’ajouteraient celles des hommes d’en bas percés de traits multiples. La négociation était préférable à une ruée sanglante.
    – Il faudrait cinq ou dix mille hommes.
    – Croyez-vous ?
    Tristan ne répondit pas. Il se sentait pris d’admiration pour ce château surprenant de hardiesse et de massiveté, le plus génialement arrogant ou téméraire qu’un ingénieur et ses maçons eussent érigé.
    – Ils viennent, dit-il à Chassagne en plein mésaise. Tu as un beau cheval bai. Ce serait dommage de le perdre.
    – Je crois que vous avez raison, messire.
    La vigueur et l’énergie exprimées dans la pierre fixaient à la témérité d’Olivier une limite qu’il venait d’atteindre.
    – Regarde !… Ils sont nombreux en apparence. À chaque embrasure, une cervelière ou une barbute.
    Les chevaux passaient d’une jambe sur l’autre. Parfois Alcazar raclait le sol de son sabot. Tristan, lâchant les rênes, joignit ses mains en cornet :
    – Holà !… Voyez cette bannière !… Nous sommes venus de par la volonté du roi de France… Il demande que Chaliers soit désormais sous sa dépendance. Êtes-vous entalenté 300 à nous recevoir ?
    –  Jamais ! Hurla une voix sans que l’homme qui avait répondu se montrât.
    – Messire Pierre de Galard, vous feriez mieux de conjouir 301 Louis de Sancerre, Bertrand Guesclin et…
    –  Jamais !
    –  Tout au moins d’apparaître en haut de cette paroi pour ouïr leurs parçons 302 . Une collation 303 n’est pas… blessante.
    –  Jamais  ! … Guerpissez ou il va vous en cuire !
    – À votre aisement. Je prends acte, messire, et suis marri pour vous.
    Tristan se tourna vers l’écuyer dont la peur, enfin, se donnait plein jeu. Sa pâleur démontrait combien, soudain, il tenait à sa vie.
    – Apprête-toi à galoper. Les archers que j’entrevois là-haut me semblent prêts à nous souhaiter la bienvenue… Allons !
    Tournant bride, ils s’éloignèrent au galop cependant que des sagettes et des carreaux sifflaient et ronflaient autour d’eux sans toutefois les atteindre.
    Proche de Louis de Sancerre, inquiet, Guesclin, poings aux hanches, les attendait.
    – C’est non, dit Tristan tout en quittant sa selle et en confiant Alcazar à Paindorge. Ce Galard est un capiteux 304 . Ses archers nous ont arrosés d’une bonne gerbe de sagettes !… Tu me vois, Bertrand, malcontent d’avoir échoué, mais réjoui de te décevoir. Où vas-tu m’envoyer maintenant ?
    Le connétable ne répondit pas et s’en alla trouver le duc de Berry occupé à compisser un rocher.
    Tristan rejoignit Paindorge, et tout en tapotant la cuisse d’Alcazar :
    – Chaliers est imprenable, sauf si nous affamons tous ces gens.
    Le duc de Berry fit monter et assembler les

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