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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ducs, le connétable, les capitaines se réunirent à l’écart. Tristan et Paindorge les entendirent échanger des gailles 293 et se congratuler pour d’anciennes victoires. Au moins tous avaient commis des appertises 294 dont les Goddons avaient été confondus.
    – L’on dirait, commenta Tristan, que la France qu’ils croient représenter est solide et valeureuse. Grand bien nous fasse !
    On repartit et Sauges fut atteinte peu avant la vesprée. Sauges sur un haut plateau découvert qui formait le versant oriental des monts de la Margeride. Sauges, prise naguère par les routiers, libérée, réoccupée par Perrin Boias, assiégée par Armand de Polignac auquel Audrehem, alors au Puy, n’avait apporté aucune aide 295 .
    Le défunt maréchal passait son temps à distribuer des lettres de rémission. L’énorme donjon de la cité répandait autour de lui plus de ténèbres que la nuit grise encore. Mandement fut donné à tous les hommes quels qu’ils fussent de rester hors de l’enceinte.
    – Si Audrehem, qui était à Sauges, avait désarmé les routiers de Perrin Boias, Brignais aurait pu être une victoire…
    – C’est du passé, messire. Oubliez !
    – Oublier !… J’ai failli dévier 296 à Brignais… Et j’y ai perdu Oriabel que tu n’as pas connue.
    – Elle était plus belle que Maguelonne ?
    – Elle était dissemblable.
    – Plus belle que Luciane ?
    – Dissemblable.
    – Elle se distinguait de Francisca ?
    – Oui.
    – De Tancrède ?
    – Oui.
    – J’aurais bien aimé connaître cette Oriabel !
    – Tu l’aurais peut-être trouvée sans attraits. Qui sait ?… Cet amour m’a marqué car c’était le premier.
    – Moi, j’ai du sentiment pour Maguelonne. Elle vous aime.
    – Je le sais. Elle m’aime sagement… La sagesse est le grand sommeil des sentiments. C’est le mors ou l’empêtroir que l’on met au cheval, l’entrave et l’anneau que l’on passe au taureau, l’abot que l’on ajuste au mulet… Je me demande, parfois, si la sagesse n’est pas une maladie du corps et de l’âme… La sagesse ? Je la laisse aux clercs !
    Un pareil argument laissa tout d’abord Paindorge indifférent. Puis une lueur de moquerie passa, furtive, dans son regard :
    – Il me semble que vous vous mentez… La sagesse vous commande de ne pas agresser Guesclin alors que l’envie vous en démange.
    – Tu me mets à quia !
    Paindorge préféra se taire. Tristan lui en sut bon gré.
    Ils dormirent à même le sol. Le lendemain, ils furent parmi les premiers à se lever et à courir vers la Seuge. Après s’être dévêtus sur la berge, ils se trempèrent dans une eau folle et froide qui les revigora. Ce fut en ceignant son épée que Tristan fit une constatation qu’il avait jusque-là éludée :
    – Nous n’avons encore ni haubert ni armure ni bassinet. Guesclin tarde.
    – Il nous en fournira dès qu’il aura besoin de nous exposer aux sagettes et aux carreaux.
    – Tu as raison, Robert. Défions-nous aussi des archers de Bretagne.
    On repartit vers Paulhac-en-Margeride. On montait, montait toujours, et telle était la pente, parfois, qu’on s’arrêtait pour aider à l’ascension des engins de siège empilés, démontés, sur des haquets, chartils et tombereaux tirés par des chevaux gros et lourds que les charretiers à pied, accoutumés à les conduire, stimulaient par des injures et d’efficaces fouettades.
    On obliqua au sud bien avant d’avoir vu Saint-Flour. Enfin, sur le sommet d’une montagne, Chaliers apparut, insolent sur le bleu d’un ciel sans nuage. Guesclin, qui s’était attardé parmi ses Bretons et rejoignait Polignac et les capitaines, frappa l’épaule de Tristan au passage :
    – Sitôt qu’il sera pris, tu pourras repartir.
    – Je ne crois pas à ta parole.
    – À ton aise… Tâche de ne pas desloyaucer 297  !
    Le connétable disparut.
    – Pour cette phrase-là, je le devrais occire !
    – Bah ! fit Paindorge, il est plus près de sa fin que de son commencement. Mais voyez ce qui nous attend !
    Dominant la vallée de la Truyère, les murailles de Chaliers couronnaient un pic d’où les Béarnais et les satellites de Pierre de Galard pouvaient surveiller des dizaines de lieues de champs, de friches et de forêts.
    – Bon sang !… On aura du mal !
    Bien que cette apparition fût confuse encore malgré la netteté du ciel, Tristan, le regard immobile, en assimilait déjà la puissance, la

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