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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hautaineté féroce, irréductible sans doute, et par conséquent meurtrière. À cet exhaussement orgueilleux de la pierre correspondrait peut-être l’élévation et le terme de son métier de Chevalier – pour autant que la Chevalerie en était un. À la considérer aussi attentivement que possible, Chaliers n’était pas une demeure seigneuriale en laquelle on pouvait imaginer un prud’homme bourru mais accueillant, une gentilfame douce et bienveillante, des jouvencelles élevant leurs bras de lis et dénouant leurs cheveux pour les offrir aux ardeurs d’un vent qui les touchait tout entières en attendant que ce fût un amant. Les bourrasques devaient y mugir, y glapir sans trêve.
    « C’est comme un Quéribus », songea Tristan.
    Il s’en remit à Alcazar pour le conduire, les yeux levés vers la forteresse qu’une montagne, parfois, dissimulait sous ses arbres.
    – Je ne sais si nous en viendrons à bout… Mieux vaudrait que ce soit par la famine que par les armes, dit-il quand il fut proche des murailles.
    C’était, dans un site grandissime, l’aire prodigieuse d’un Sisyphe hautain, Pierre de Galard, certainement bien pourvu en hommes et en armes. Cependant, ce ne serait pas lui qui roulerait quantité de choses pesantes sur cette crête rocheuse : elles seraient amassées par ses ennemis avant d’être projetées, pour les anéantir, sur des murailles en apparence inexpugnables. Et pour amener là-haut les charpenteries de guerre, il ne fallait pas des chevaux mais des bœufs placides, accoutumés aux exertions les plus rudes. Faute de mieux, Guesclin décida qu’on emploierait des hommes.
    Il y eut des huées, même chez les Bretons, quand, juché sur un rocher, il eut hurlé cette annonce.
    – Ils nous savent prêts à les traiter fellement dit Armand de Polignac au connétable et aux capitaines. Avant que de hisser nos machines en haut, mieux vaudrait, me semble-t-il, avoir recours aux sommations.
    Un jeune écuyer se présenta devant Guesclin pour impétrer la grâce d’aller proposer à Pierre de Galard de se rendre. Il avait dix-huit ans, portait une armure de grand prix et son cheval miroité, dont il se montrait fier, était certes un des plus beaux de l’armée.
    – Non, dit le Breton. Je connais un chevalier qui fera volontiers cette démarche… Castelreng, es-tu là ?
    « Tu sais très bien, ribaud, que je suis proche !… Tiens : trois pas et je te fais visage 298  ! »
    – Je veux bien y aller, mais accompagne-moi.
    Ainsi formulée, les yeux dans les yeux, le sourire ajoutant son piment à sa réponse, Tristan sentit se rassembler sur lui l’intérêt des ducs et des capitaines et l’hostilité des hommes d’armes. Que prétendait donc ce chevalier que personne ou presque ne connaissait dans l’ost ? Pour qui se prenait-il ? Guesclin le regardait ; la hargne et la pitié se disputaient ses traits. Ébaubi et scandalisé par tant de familiarité envers un connétable, Anjou les sépara comme s’ils allaient en venir aux mains :
    – Holà ! Messire… Doucement… Votre… Votre outrecuidance, Castelreng…
    – Mon outrecuidance, Monseigneur ? Je savais qu’il allait m’inviter à la criée des sommations… En m’exprimant ainsi, je prends mes précautions, voilà tout… Chaque fois qu’il l’a pu, avant ce jour d’hui, et lors d’un événement pareil, il m’a envoyé en avant dans l’espérance de ne plus me voir reparaître. Je pourrais vous citer où et quand j’ai souffert de ces… inconvénients… Je vais accéder au désir du connétable, bien qu’il me paraisse inutile d’aller consulter Pierre de Galard sur la nécessité d’un rendage 299 … Il y sera contraint moins par les armes que par la famine.
    Les regards seuls échangeaient des colères. Paindorge souriait d’assez loin, entre Berry et Louis de Sancerre.
    – En t’invitant à défier Galard avec moi, Bertrand, je ne voulais pas partager ton plaisir de te sentir déjà victorieux. C’est à toi de le crier à ce Béarnais que je ne connais pas !
    Tristan s’était exprimé à voix basse, cordialement, bien qu’une violence insoupçonnée de Guesclin eût fait trembler sa voix.
    – Un gonfanon ! dit-il. Un gonfanon de France.
    Il se serait discrédité d’empoigner la bannière à l’aigle de sable (429) . Mais sans doute le Breton ne lui eût pas permis de la présenter.
    – Paindorge, mon cheval !
    Alcazar apparut, provoquant parmi les

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