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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Fête-Dieu.
    – Sommes-nous le mercredi 13, le jeudi 14 (428) ou quelque autre matin à la suite ? interrogea Tristan, maussade, en quête d’un dialogue plutôt que d’une date précise.
    – Peu m’importe à moi le calendrier, confessa Paindorge. Toute la nuit, j’ai pensé à Bertrand et à sa venue au Puy.
    Était-ce pour participer aux cérémonies du Saint-Sacrement que Guesclin et ses éminents compères s’étaient rendus dans cette cité renommée pour ses bienfaits ? Pourquoi, en cette occurrence, n’avaient-ils pas prolongé leur séjour ?
    – Et si le Breton était déforci ? suggéra Paindorge. S’il était venu s’esconser 292 sur la Pierre aux Fièvres ?
    – Il est vrai qu’il m’a paru las. Mais, Robert, il n’est pas homme à croire aux vertus d’un bloc de granit, fût-il miraculeux.
    Comme un feu qui commence à « tirer », ils entendaient devant et derrière eux les sèches crépitations des sabots de dix roncins supportant les hommes chargés de leur surveillance. Ils devaient se résigner et imaginer la jubilation de leur retour si quelque sagette ou tranchant d’acier ne leur ôtait point la vie.
    – Peu me chaut que ce rustique soit malade, grogna Tristan. Suivons… Acceptons la servitude et souhaitons moult mésavenances à ceux qui nous y contraignent.
    Il éprouvait des difficultés à dominer son dépit. Mauvaise nuit. Peu avant leur départ, Maguelonne s’était repentie d’une jalousie dont elle subissait douloureusement la vergogne. « Pardonne-moi », suppliait-elle. Et d’ajouter qu’elle avait été humiliée « comme jamais » lorsque Guesclin lui avait dénoncé « ces amours avec des Juives ». Bien sûr, elle savait que c’était un mensonge. Bien sûr, elle s’était montrée froide. Mais elle ne recommencerait plus. Quant à Hélie, hautement et fermement, il souhaitait la mort du connétable. Il ne pouvait souffrir de voir sa mère en larmes.
    Paindorge était fort opportunément apparu. Triste ? À peine, semblait-il. Plutôt que de moissonner des vies lors d’un nouveau conflit, il n’y voulait cueillir que quelques remembrances afin d’en faire profiter ses fils.
    – Nous nous en sortirons une fois de plus, dit-il. Laissons-les aller. Laissons-nous aller… Maguelonne est malheureuse. Bertrand s’est conduit comme un porc envers elle.
    – Je sais…
    L’écuyer sembla sur le point d’ajouter quelques mots. Une précision sans doute sur l’état d’esprit de la jeune femme ou sur les raisons de celui-ci. S’était-elle livrée, auprès d’Alazaïs et de Sibille, à quelques confidences ? Tristan s’interdit la moindre question. Si Paindorge devait lui fournir une précision ou lui donner un conseil, il choisirait le lieu et le moment propice.
    Ils avaient souscrit un arrangement avec les hôteliers du Cygne noir. Maguelonne avait une escarcelle suffisamment pleine pour « tenir » un mois, voire davantage en pension complète. Et de quoi dormir et manger sur le chemin du retour si l’audace la prenait de quitter la cité. Ils lui avaient promis : « Nous reviendrons te prendre. » Le choix d’un tel verbe avait surpris Tristan car Paindorge s’était contenté d’un « nous reviendrons ». Maintenant que Le Puy venait de disparaître, il ne voulait plus penser qu’à Guesclin et à ses perfidies.
    Le Breton feignait de l’ignorer tout autant que les ducs de Berry et d’Anjou. Seuls le maréchal de Sancerre Olivier de Mauny et quelques chevaliers et sergents qui avaient « fait » l’Espagne les avaient salués à leur apparition, puis s’en étaient allés tourner autour du connétable et des ducs comme des moucherons à l’entour des lanternes, dès la vesprée.
    *
    Avant la fin du jour, l’armée prit logement dans de grands prés de part et d’autre du chemin conduisant à Chaliers, qu’il fallait rendre au roi. Il faisait beau : on dormit dans l’herbe et dès l’aube, sitôt qu’Armand VI de Polignac, son écuyerie et ses piétons se furent joints à l’armée, on piéta et chevaucha sur des voies pentues convenant davantage à des mulets et des mules qu’à des chevaux. On avança le long des gorges de l’Allier, étroites, profondes, creusées entre des rochers abrupts et tourmentés. On atteignit Monistrol où deux torrents coulaient qui bientôt mêlèrent leurs fumées d’eau à celles des cuisines : il fallait manger pour entretenir les forces et l’entrain des hommes. Les

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