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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que m’a dit un jour Ogier d’Argouges : aurea mediocritas.
    –  Ce qui veut dire ?
    – Qu’une condition moyenne, gage de quiétude, doit être préférée aux inconvénients de l’opulence ou de la célébrité.
    Éparpillé ici, aggloméré là, l’ost avait atteint les murailles. À la clameur des hommes d’en bas s’ajoutait désormais celle de ceux d’en haut qui s’employaient à lâcher des pierres et des boulets et à verser de l’eau bouillante sur les assaillants. De toutes parts la peur suppléait la haine. Dans les lueurs croissantes de ce matin de forcennerie, il semblait que les parois de Chaliers, à leur embrasement, se cuirassaient de métal : c’était la réverbération des armes sur des murs imbibés de la moiteur nocturne.
    – Ils sont en nombre. Les assauts seront vains.
    Entre les merlons scintillaient et tressautaient les coiffes de fer et les aumusses de cuir, et l’on voyait se pencher et disparaître promptement les arbalétriers et les archers qui ne bornoyaient 311 même pas tant la presse, en bas, était désormais compacte et nombreuse.
    Il n’y avait pas une bouche qui ne fut ouverte sur un cri, un juron de douleur ou de rage. Une sorte de ferveur sauvage secouait cette cohue d’où surgissaient des échelles liées par deux afin d’être suffisamment hautes. Certaines, avant même d’être appuyées sur le mur, craquaient et se brisaient sous le heurt d’un boulet, répandant autour d’elles des hommes prêts pour l’ascension. Soudain, une campane se mit à sonner. Les frémissements du bronze aheurté se mêlèrent au vacarme. Entre deux horions sonores, la furibonde rumeur des assaillants monta, toujours plus accrue, dans le ciel où le soleil commençait à verser ses sagettes et sa poix.
    – Agar 312  ! s’écria Tristan tout en heurtant du coude un Paindorge frémissant d’intérêt et de pitié.
    Repus d’efforts infructueux et mortels, les assiégeants reculaient. Leur clameur unanime et désespérée tournoya pour progressivement s’accoiser. Les hurlements d’en-haut n’en prirent que plus de volume. Submergés par cette haute vague sonore, les commandements de Guesclin, Sancerre, Berry et des capitaines semblèrent des supplications désespérées.
    – Avançons, dit Tristan, sinon ils nous prendront pour des couards.
    La poussée en avant recommença. Des échelles simples furent dressées puis penchées. Les échelons ne reçurent aucun homme. Tous savaient qu’une ascension réussie serait impossible. Entre le bois et le haut des parois, il manquait une longueur de bras : on ne pouvait accéder au crénelage.
    – Il faut les allonger ! hurla Sancerre.
    C’avait déjà été fait. Vainement. D’ailleurs, qui pouvait l’entendre hormis Tristan et Paindorge qui venaient de le rejoindre ?
    – Ah ! Il s’y met enfin ! dit le duc de Berry.
    En grinçant, le trébuchet venait de lancer son premier boulet. Il vola en grondant par-dessus la muraille et tomba dans Chaliers. Le fracas de sa chute fut suivi d’un infime silence, puis le cratère bouillonna de cris et malédictions qui mirent les assaillants de bonne humeur.
    – Je ne pensais plus au trébuchet, dit Tristan.
    – Parce que nous n’en voyons que le faîte.
    Un nouveau boulet s’écrasa sans doute auprès du premier. Envigourés par les hurlements des assiégés, des audacieux commencèrent l’ascension des échelles. Tous tombèrent, atteints par des rochers, des carreaux et sagettes. Une averse d’eau fumante dissuada quiconque de recommencer.
    – La famine, suggéra Tristan au duc de Berry. C’est, monseigneur, le seul moyen d’obtenir la reddition que vous souhaitez.
    – Trop long !
    Tristan vit Guesclin enjoindre à Olivier de Chassagne de se porter en avant. L’écuyer hésita. Une bourrade le décida.
    – On ne peut rien, Robert, dans un pareil tribouil 313 … Vois ! Les frondeurs élinguent 314  ! Les pierres coûtent moins que les sagettes… Il faudrait renoncer…
    – Oh ! Non, s’écria Paindorge, le bras tendu.
    L’écu protégeant sa tête, l’épée au poing, Olivier de Chassagne entreprenait une échelade.
    Il parvenait au milieu de son ascension quand des pierres commencèrent à pleuvoir. Il continua. Un homme l’avait suivi. Il y en eut un autre. Leurs faces enflammées par la fureur de vaincre, la plupart des assaillants, ébaubis, regardaient. D’autres suivirent l’exemple de l’écuyer. Quatre échelles qui

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