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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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des champions, car le moindre compagnon sera enrichi par le butin !
    « Nous y voilà », songea Tristan. « La malemort et le butin ! Son seul amour, c’est l’amour de Dieu. Mais c’est un amour tout aussi vergogneux que celui qu’il voue soi-disant à sa Tiphaine, laquelle est cornue comme un cerf au point de ne pouvoir franchir la haute voûte de Notre-Dame… Guesclin ! »
    Il lui plaisait de s’égayer un tantinet. Il vit Don Henri lever très haut ses mains – comme pour juger, lui aussi, de la grandeur de la voûte – et s’écrier malement :
    – Ah ! Dieu, Bertrand est si prud’homme que celui qui croira sa raison ne sera jamais détruit !
    « Point ceux qu’il fit occire à Nâjera ! »
    – Si chacun s’accordait à son avis, il me semble que brièvement nous aurions vengeance de Pedro, qui m’a fait tant de maux !
    Henri parlait comme un roi injustement destitué ! Il renversait les rôles. C’était lui l’usurpateur. Lui qui sans le secours de la France n’eût été qu’un bâtard en exil doré.
    Le Bègue de Villaines s’approcha de Bertrand auquel il donna l’accolade avant de déclarer, la voix chevrotante :
    – Que… que… celui qui contredira Ber… Ber-trand n’ait jamais de de pardon pour… son âme !
    Tout fut accompli. Henri sépara son armée en trois batailles. Une quatrième fut constituée qui devait remonter sur Tolède. Des hérauts furent nommés et détachés vers les cités et châteaux pour crier le ban, l’arrière-ban et annoncer l’imminente victoire.
    – Les premières fleurs du printemps… commença Paindorge.
    –… seront rouges, acheva Tristan.
    – Oui, dit l’écuyer. Juif, More, Chrétien, le sang qui coule en nous est le même… au point que nous le pourrions échanger d’homme à homme si Dieu nous en fournissait le moyen !
    – Non, ce n’est point le sang qu’il faudrait échanger pour que la paix règne en ce monde, dit Tristan, maussade. C’est le respect de l’un pour l’autre. Nous ne sommes pas mûrs pour cet échange-là !… Demain, après-demain, nous perdrons la raison et nous perdrons la vie… Pouah ! Cessons d’en parler… Évitons désormais de colloquer avec Cabus et Jumelle. Si Guesclin ne les a point punis, c’est qu’il a reconnu qu’ils étaient dignes d’être ses frères.

 
II
     
     
     
    L’armée se mit tant bien que mal en mouvement. La joie et le plaisir fleurissaient dans ses rangs : on vaincrait par la force et le nombre. Une liesse crépitante d’un vacarme d’armes entre-heurtées, de frappements de nacaires 68 sous lesquels bouillonnaient sans trêve les clams de ralliement ( Notre-Dame, Guesclin et Castilla por el rey don Enrique), immobilisa toutes les compagnies quand on sut que Gonzalo Mexia, l’homme qui avait maintenu Cordoue chrétienne contre la fureur des Mahoms, allait accomplir sa jonction avec Henri, lequel, encerclé par ses ricos hombres et fidalgos 69 , chevauchait devant les six cents lances du Breton providentiel.
    Le Maître de Saint-Jacques avait franchi la Sierra Morena par le chemin qui menait de Cordoue à Ciudad-Real. Il conduisait quinze cents cavaliers. En débouchant dans la Mancha, il s’était trouvé sur le flanc droit de l’armée royale. Il avait observé sa progression d’assez loin pour ne point se laisser assaillir et l’avait toujours devancée de façon à intercepter les chevaucheurs que Pèdre dépêchait à ses fidèles de Castille.
    La jonction se fit dans la gaieté. Le prétendant se souciait peu d’une montre ; il demanda un empadronamiento 70 à ses capitaines. Il sut bientôt qu’il y avait autour de lui trois mille piétons et quelques centaines de cavaliers et genétaires. C’était peu. Guesclin s’aperçut que beaucoup de ses mercenaires avaient abandonné son armée. S’il enragea, ce fut en lui-même.
    Jumelle avait fui, Cabus demeurait.
    – C’est lui qui a meshaigné Sobrino, dit-il tandis qu’il chevauchait entre Tristan et Paindorge. Il m’a dit cette nuit que nous étions trop peu pour vaincre Pèdre… et il est parti avec quelques autres.
    – Bon vent ! grommela Paindorge.
    – Vent maudit ! enragea Tristan. Il fera un routier de plus. Ce Jumelle mériterait autant de coups d’escourgée que de coups de poing donnés sur la face et le corps de ce Sobrino !
    – Le fouet l’a effrayé.
    – À chevalier, moi, dit Cabus, je ferais donner des étrivières. Un châtiment pour chaque

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