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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Séville, plus merveilleuse armée que la sienne. Moult riches vêtements, écus, lances ferrées, pavois, faulx, grands dards affilés qu’on jette à la volée et un charroi de nourritures afin de largement vivre avant que de fournir le reste à Toledo.
    – Quoi qu’il en soit, dit Guesclin, la défaite et la mort approchent du roi Pedro qui a si mauvaisement régné !… Moi, Bertrand, je vous le dis !
    – Et je vous dis à vous Français : Pedro chevauche auprès du fils de Benemarine : Aletaire qui a vingt ans… Je vous conseille de l’occire !
    Don Henri se rassit : il avait décidé. Maintenant, il pouvait festoyer à son aise.
    *
    Pendant quelques jours et quelques nuits, l’armée demeura en attente inquiète. Sous le pavillon qu’il partageait toujours avec Galiffer de Jumelle, Jacquemart Cabus et Paindorge, Tristan s’efforça de dormir plus qu’il n’était nécessaire afin de recouvrer ses forces endommagées par l’hiver et le long chemin qui l’avait mené à Orgaz. Oublier les jours, oublier le temps, oublier même Maguelonne afin de n’être au bon moment qu’une machine de guerre engagée dans une inextricable mêlée. Paindorge s’occupait de tout : nourriture, chevaux, et surtout des faits et gestes d’autrui. L’œil vif et l’oreille à guet, nul ne savait tirer mieux que lui, à l’issue de ses errances fureteuses, des observations toujours pleines de sens.
    – Si la liberté nous en était fournie, messire Tristan, nous nous affronterions, gens d’Espagne et gens de France, comme des veautres et des bêtes noires !
    Espagnols et Français restaient distants quand ce n’était arrogants les uns envers les autres. On voyait cependant leurs chefs se rejoindre et se congratuler aux abords du pavillon que Don Henri partageait avec son épouse. Car la « reine » était présente. Dans la journée, l’archevêque de Tolède, traître à ses ouailles, venait lui tenir compagnie. Allant et venant, ne sachant comment remédier à une inaction qui corrompait leur énergie et leur cervelle, Guesclin, Olivier son frère, les Mauny, le Bègue de Villaines et le vicomte de Rodez délibéraient sans trêve sur la puissance de Pèdre, la cruauté de ses châtiments, l’avenir de la Castille et de l’Espagne sans songer à celui d’une France qui, la paix conclue par le trépas de Pèdre ou d’Henri, verrait revenir à la suite du champion de Charles V la plupart des routiers auxquels le royaume devait sa ruine.
    Un matin, Cabus et Jumelle apparurent tenant et soulevant par les aisselles un homme qu’ils avaient maltraité.
    – Qu’avez-vous fait ! s’étonna Guesclin furieux que les deux compères eussent réduit la tête de leur prisonnier en une espèce de citrouille blette d’où çà et là perlait du sang.
    – Ben… dit Jumelle.
    Soudain, du doigt, il désigna le malheureux au Trastamare qui venait d’apparaître sur le seuil de son pavillon.
    – On a cru bien faire.
    – Il nous a dit qu’il était un espie 64 et voulait voir le roi, dit Cabus. Ne peut voir le roi qui veut… surtout pas un manant !
    L’homme fléchit les genoux davantage par exténuation que par respect. Des gouttes vermillonnèrent des cailloux devant lui ; il avait quelques dents cassées, déchaussées : Jumelle, sans doute, le seul qui du matin au soir conservait ses gantelets de mailles – même pour manger.
    – Bertrand, grommela Don Henri. Veillez dès à présent sur votre meute afin que de telles méprises me soient épargnées. Ces deux hommes seraient-ils miens que je les aurais fait flageller jusqu’à ce qu’ils en trépassent.
    – Ah ! Sire, soupira le blessé, faites châtier ces Francés immondes qui refusaient de croire que nous nous connaissons !
    – Ils sont à Guesclin, Sobrino. Et une fois guéri, tu ne pourras demander réparation du préjudice qu’ils ont commis sur ta personne, car tu n’es qu’un campesino 65 .
    Tristan imagina les cris de Jumelle et Cabus, leurs coups, leurs rires. Plus encore que la méchanceté, c’était l’oisiveté qui avait incité ces chevaliers d’aventure à honnir 66 ce Sobrino. Désormais, ils craignaient qu’on ne les flagellât pour l’exemple. Ils n’ignoraient point, cependant, que Guesclin avait besoin d’hommes de leur espèce.
    D’un geste, Don Henri signifia aux deux hommes de s’éloigner puis, son regard planté dans celui d’un Bertrand faussement consterné :
    – Ils ne sont pas

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