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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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faites ce que je vous dis… Nous séparons l’ost en cinq corps. Je partagerai l’avant-garde avec Olivier, mon frère, le Bègue de Villaines et son fils.
    Tristan vit un prud’homme qu’il n’avait jamais remarqué auprès du Bègue. Sans doute, par prudence, était-il demeuré à l’arrière.
    – Vous, Henri, disposerez à votre façon vos quatre compagnies… Allons, messires, hâtez-vous !
    Bientôt, Olivier Guesclin s’élança devant ses cavaliers bretons. Son frère aîné suivit entre le Bègue et son fils. Tristan et Paindorge s’engagèrent à leur suite. À peine avaient-ils couvert trois ou quatre cents toises que l’écuyer dit sombrement :
    – Les voilà.
    On distinguait au loin le logement de Pèdre : des centaines de tentes autour et devant lesquelles des piétons s’étaient ordonnés pour livrer bataille. On apercevait maints gonfanons, pennons et bannières et déjà les trompettes d’argent sarrasines et les olifants de la Castille « rebelle » donnaient l’alarme. Des cavaliers apparaissaient. Certains arboraient au-dessus de leur turban couleur de neige la cervelière à nasal mobile – le kulah-khud – surmontée d’une longue pointe, et le fin camail de mailles que la plus petite des mouches n’eût point traversé. D’autres portaient l’armure, le haubergeon et sans doute la brigantine. Les bassinets, les écus nervés, les armes aux aciers ouvrés de cent façons luisaient et rougissaient sous les feux du soleil. Les chevaux hennissaient, les dromadaires blatéraient : davantage que les guerriers apprêtés à mourir, ces bêtes flairaient dans l’air encore fraîchi par la nuit finissante l’infernale enragerie de la guerre.
    – Regardez ! s’écria Henri. Regardez l’armée et la grande noblesse que Pedro le fou nous a amenées par sa grosse cruauté !… Juifs, Sarrasins ! Juifs, Sarrasins !
    Et ces camellos 75 moriscos que vous voyez comme moi, sont-ils dignes d’une bataille ?… Voyez la bannière au champ d’or fin ouvré à un griffon rampant de gueules peint !… C’est celle du roi de Josnedé, Aletaire, qui est fils de Benemarine ! Je me choisis celui-là !… Si Jésus par sa grâce voulait que je puisse le prendre en vie et en santé, jamais homme créé n’eût fait si noble prise. Il paierait tant d’or fin qu’on ne le saurait nombrer !
    – Ah ! seigneur, dit Guesclin, qu’avez-vous en pensée ? Foi que je dois à Dieu, ils ne trouveront en moi ni clémence ni amitié à moins qu’ils ne demandent le saint baptême !… Descendons tous à pied. Nous ferons trois batailles. La plus grande au milieu. Nous enclorons les Sarrasins !… Il n’en échappera nul !… Ces maies gens seront déconfits et Pedro le Cruel démembré !
    « Encore un changement », releva Tristan. « De cinq batailles nous passons à trois. »
    – Ah ! Dieu, sanglotait Henri, Jésus nous en veuille ce jour d’hui ouïr par sa Sainte Pitié !
    La plus grosse bataille lui revint. Le Bègue de Villaines consentit à en conduire une autre : celle groupée à la senestre de Don Henri. Guesclin et la plupart de ses capitaines prirent le commandement de la troisième, à dextre.
    – Nous serons donc déjà à la droite du seigneur, murmura Tristan à Paindorge cependant que descendant de son cheval, le Breton arrachait quelques brins d’herbe et les mâchait.
    D’autres que lui communièrent avec l’herbe et récitèrent des oraisons. Il n’y avait aucun clerc parmi ces hommes qui se recevaient parfois l’un l’autre en confession.
    – Hors de selle, dit Tristan à l’écuyer. Vaut mieux en faire autant, sans quoi cet hypocrite païen va nous prendre pour des Juifs !
    L’herbe avait un goût aigre. Paindorge crachota.
    – Parole !… Des moutons ont dû pisser dessus.
    Déjà, les chevaliers se remettaient en selle.
    – Combien sommes-nous, Villaines ?
    Du milieu de l’escadre 76 une voix monta :
    – Vingt mille.
    Était-ce vrai ? Sans doute si l’on comptait les goujats, les fèvres, les fourniers, les gens des cuisines et ceux du charroi.
    « En face », songea Tristan, « ils sont moins du quart… Donc incomplets. Si tous leurs gens qui courent la campagne arrivent à temps pour les secourir, un nouveau Nâjera se prépare. »
    Pour le moment la peur ne le démangeait point. Il suivrait Guesclin. Il ne s’écarterait pas pour laisser passer le flot de ses congénères. Il se battrait pour un faux roi, de

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