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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cesser de tailler et transpercer ses ennemis :
    – Frappez, mes bonnes gens ! La victoire est en train !… Ce jour nous acquerrons honneurs et nouvelles seigneuries !
    Il férissait toujours ainsi qu’une douzaine de Bretons et Castillans. Il hurla encore :
    – Ce jour l’on connaîtra le preux où la bonté est nourrie… Apostolisez-moi ces païens à coups de lame !
    La presse grossissait autour du Bègue et de ses satellites. Bientôt sans doute, ils seraient occis. Il fallait agir : assaillir leurs adversaires dans le dos. Point de répugnance !
    – Viens, Robert, dit Tristan. Ce sera un déplaisir pour moi que de secourir cet homme, mais c’est notre devoir. Teresa va avoir un nouvel habit de sang !
    Il riait.
    Bassinet déclos, l’épée haute et suivi de Paindorge, il pénétra dans la mêlée.
    Il leur fallut trancher, écarter, éluder les menaces d’acier, crier n’importe quoi à s’en rompre la gorge. Ne pas se méprendre sur les hommes de Villaines et les autres ; rendre taillant pour taillant, estocade pour estocade. Tout devenait confus, vermeil, ocqueniseux (384) . La mort choisissait ses proies. Elles tombaient en criant, leurs mains serrées sur leurs plaies, leurs crevasses.
    « Qu’est-ce que je fais ici ? »
    Déjouer les tranchoirs. Repousser les estocs et les picots ferrés des armes d’hast. Prendre garde aux haches. Vivre !
    Tristan n’avait plus en tête l’atroce peur de trépasser mais l’espérance de vivre. Quand il sentait ses poignets, ses coudes, ses épaules, son ventre, c’était qu’il vivait puisque la mort anéantissait toutes les sensations, tous les bruits, tous les sentiments. L’odeur du sang qu’il respirait à plein nez à travers les trous du bassinet ne pouvait être la sienne. Les ennemis devenaient apparemment plus nombreux, plus décidés, plus hardis. Il savait qu’il perçait des chairs à travers des mailles. Sans plaisir et sans haine. C’était un prodige que tant d’hommes en voulussent à sa vie. Plutôt que de se déforcir, il s’envigourait bien qu’il sentît augmenter la pesanteur de son armure où glissaient les tranchants et ripaient les estocs. Il n’avait rien à faire dans cette presse, rien à faire à Montiel. Bien qu’il l’eût exécré lorsqu’il avait appris la mort de la reine Blanche, son épouse, il ne haïssait point Pèdre comme un ennemi mortel. Sans doute eût-il nourri des pensées différentes s’il s’était trouvé au service d’un prétendant honnête, vertueux, digne de régner sur la Castille et au-delà, ce que le complice, voire le satellite de Guesclin n’était point. Son crâne était empli d’idées contradictoires. Il tournait sa tête de fer à dextre, à senestre, sentant venir les coups qui voulaient l’éborgner ou le décerveler, se demandant si la foule à l’entour de sa personne devenait ou non plus nombreuse. Lorsqu’il sentit enfin ses poumons prêts à s’embraser, des voix s’élevèrent :
    – Ils relinquissent 78  !
    Tristan devina enfin Paindorge dans son ombre. Il avait crié lui aussi. Ils continuèrent de fendre et pourfendre sans savoir s’ils occisaient et même s’ils navraient mortellement des hommes. Autour d’eux se mouvait en vacarme un gros anneau de combattants. Ceux qui sentaient venir la débandade adverse hurlaient : «  Notre-Dame, Guesclin ! » avant d’annoncer un coup. On sut que le More Aletaire vivait toujours et qu’il était devenu fou furieux en apprenant le trépas de son cousin transpercé par la lance du Bègue. Ce fut lui, sans doute, que Tristan vit paraître, rugissant et maudissant.
    Le Bègue lui rompit sa targe et son haubert, mais son hoqueton de bougueran résista. Il chut sous l’ardeur du choc et fut relevé par la gent sarrasine qui se mit à assaillir le Bègue et ses hommes – dont Tristan et son écuyer. Ils étaient nombreux. Des Bretons s’affalèrent sur des corps immobiles. Les assaillants parurent se contracter autour des Francs et de leurs alliés. Alors Guesclin surgit – tardivement 79  :
    – Gentil Bègue !… Venez si le pouvez !… Je vous prie et commande que vous fassiez mettre votre bannière à côté de la mienne. Nous ne faisons désormais qu’une aile en avant !
    Le Bègue avait perdu sa bannière. C’était son fils sans doute qui l’avait portée.
    Quelques lances écourtées ; des épées. Ni Tristan ni Paindorge ni Cabus qui se trouvait là n’éprouvèrent la

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