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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fausses vérités, de faux preux. On allait s’entre-égorger, se tailler, s’éventrer pour deux hommes qui eussent dû s’affronter en champ clos, à armes égales. Monstrueuse confusion en laquelle chacun serait persuadé de son juste droit, de sa juste cause. Honorable que la condition de chevalier ? Misérable au contraire. Si c’était ce jour d’hui la divine volonté que de répandre le sang – et le sang juif et sarrasin – alors Dieu n’était pas si miséricordieux que l’Église le prétendait.
    Ce ne pouvait être que Pedro qui, maintenant, circulait dans les rangs adverses séparés, eux, en cinq batailles.
    « Des Mahoms, certes. Des Juifs aussi, que l’on dit faussement couards… Et moult Chrétiens fidèles à leur vrai roi, même s’il ne mérite pas cette constance… Et voilà l’autre, l’usurpateur, qui remet ça ! »
    – Or, en avant, mes amis ! s’égosillait Henri immobile. Voici les idolâtres qui viennent !… Une gent enragée !… Juifs, Mores et Chrétiens seront à six contre deux… mais le Seigneur est avec nous !
    – Il ne cesse de mentir sans vergogne, gringota Paindorge. C’est le contraire.
    Tristan acquiesça. Nul ne parlait. La peur commençait à envenimer le sang, les cervelles. Elle durcissait et appesantissait les membres, nouait les articulations des armures. Henri devait la subir plus encore que le dernier de ses balesteros.
    –  Tous à pied.
    Le commandement fut exécuté. Les goujats, palefreniers et autres gens de peu éloignèrent les chevaux vers l’arrière. Derechef, Henri montra ses ennemis de ses mains :
    – Ne les redoutez pas car Dieu et notre droit nous feront aide !… Ces malfaisants seront tôt matés et déconfits… Nous, les baptisés, nous vaincrons. Je vais contre Pedro le bâtard de Castille !
    En fait, le bâtard, c’était lui.
    Le Bègue de Villaines attaqua le premier 77 . Sitôt l’épée hors du fourreau, il hurla : «  Montjoie ! Saint Denis ! » se méprenant superbement, à moins qu’il ne l’eût fait exprès pour conjurer le mauvais sort et convier Guesclin à le suivre.
    – Or, avant mes compères !
    À peine sa petite armée s’était-elle ébranlée – « une armée de piétons comme oncques n’en vit en France », songea Tristan – que des rangs adverses mal jointoyés, mais profonds et solides, des sagettes et des carreaux jaillirent. Des hommes tombèrent, prouvant ainsi que les arqueros et balesteros adverses étaient tout aussi habiles que ceux dont s’enorgueillissait Don Henri.
    – On commence au berceau, on finit en bersail dit lugubrement Paindorge.
    Suivant leur chef à pied comme eux, – ce qui devait lui coûter car ainsi, il combattait « à l’anglaise » -, les guerriers de Villaines couraient toujours pour en venir vélocement au main à main, au corps à corps. Tous étaient bien armés : l’écu assujetti au col, certains serraient une épée, une lance écourtée, une masse et surtout une hache. Les bassinets et les barbutes, les chapels et les camails formaient au-dessus de leur multitude serrée une croûte de fer scintillante. Ils hurlèrent soudain : «  Notre-Dame Guesclin ! » puis les Bretons les plus acharnés à se battre : «  Malou ! Malou ! » et les autres Français engagés dans cette malaventure :
    –  Au brut ! Au brut ! Dieu nous aide !
    Tristan vit Guesclin s’approcher :
    – Vas-y, Castelreng… Rejoins-les… Et toi aussi, l’écuyer… Oyez Villaines ! Quand son cul mollit et tremble, sa voix s’affermit !
    Le Bègue ne bégayait plus :
    –  Frappez mes gars ! La bataille est en train !
    –  Allez-y, dit Bertrand. Je ne vais point tarder.
    Il fallait obéir ; le Breton ricana :
    – Allez ! Le Christ vous assiste… Aventurez-vous sur ces gens haïs qui ne croient ni en Dieu ni à la Vierge Sainte.
    Bientôt Tristan et Paindorge pénétrèrent dans la mêlée. Un Sarrasin venait d’y être occis.
    – C’est Aletaire ! hurla un homme. Le neveu du roi de Bellemarine. Le Bègue l’a féri de sa lance… Tous les Mores sont après lui… À la rescousse ! À la rescousse !
    En effet, le Bègue était entouré. Ceux qui le voulaient protéger tombaient pour ne plus se relever. Épées et alfanges brillaient, toutes poisseuses de sang. Il y avait déjà une odeur de ventrailles. Cependant, bien que férocement menacé, Villaines continuait de lier sans mal les mots et verbes l’un à l’autre sans

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