Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
voyaient eux aussi la pâleur s’accroître sur les joues imberbes d’Olivier et glisser sur son front comme un baiser mortel. Ils voyaient les oreilles rouges – un rouge carminé d’aspect déplaisant – devenir blanches comme sous l’effet d’une froidure intérieure. C’étaient des oreilles longues, décollées, un peu faunesques avec des lobes ronds comme deux maravédis, malformations qui n’appartenaient pas aux Castelreng. Il se tourna vers Aliénor comme pour l’interroger sur cette tare. Une brume couvait sous ses yeux et ses lèvres tremblaient. C’était le moment :
    – Vous avez tous les deux enherbé mon père, puis égorgé la meschine au fait de vos intentions.
    Il s’était exprimé sans hâte, bien que son aversion n’eût cessé de croître à chaque mot. Il frémissait et maintenant qu’il attendait une réponse, ses dents ne cessaient de s’entrechoquer. Le goût du meurtre, ce poison des batailles, venait de réapparaître et de lui empouacrer la bouche.
    – Qui t’a dit ?
    Aliénor ne se défendait même pas ; ne s’ébaudissait même pas comme à l’annonce d’une incongruité dont elle eût pu s’offenser. Sa question n’était autre qu’un aveu dont la brièveté la soulageait peut-être.
    – Prouve-le !
    Elle voulut se dresser dans un spasme de rage, tout comme son fils déjà debout et roidi d’incertitude, mais Paindorge était là, l’épée hors du fourreau :
    – Ma lame a soif, damoiseau… si toutefois tu comprends ce langage.
    Les serviteurs et leurs épouses s’étaient levés. Tous savaient. Les femmes allaient s’éloigner quand Tristan pensa au portier, à sa conjointe et aux palefreniers qu’elles pouvaient délivrer de leurs liens.
    – Non, dit-il. Les dames là-bas, face au mur.
    Elles obéirent. Les hommes en profitèrent pour se grouper autour de leur idole : Olivier qu’Aliénor brûlait d’envie de rejoindre.
    – Tristan… Tristan, l’on t’a dit des sornes… des mensonges !
    – Rejoins ton fils.
    La muraille humaine autour des deux larrons ne laissait pas d’inquiéter les visiteurs. Tristan compta dix hommes de la pointe de son épée dégainée. Tous décidés à défendre le fils et la mère mais avec, simplement, un couteau.
    – Que vas-tu faire ? Nous sommes trop pour vous. Nous n’avons jamais rien commis qui mérite…
    Aliénor s’interrompit. Une tristesse résignée succédait soudain à sa hautaineté trop affectée pour qu’elle ne fût point chétive. Cependant, son allure restait un mystère, un chef-d’œuvre d’innocence.
    –  Trop ? s’écria Paindorge, le visage éclairé par les yeux d’orage que Tristan lui avait vus à la guerre. Trop !… À Montiel nous nous sommes battus à un contre cinq…
    Dans la rumeur de mécontentement et d’aversion que Tristan avait suscitée, les paroles de l’écuyer subirent une huée d’incrédulité dont ils acceptèrent l’un et l’autre l’opprobre tandis que le fils et la mère, bras dessus bras dessous, cherchaient sur les faces de leurs meschins les indices d’une puissance qui peut-être leur échappait.
    La pâleur seyait à la mère : elle magnifiait son abomination. Aliénor voulait douter de ce qui l’attendait. Olivier la regardait avec une sorte de frénésie – celle, sans doute, qui l’animait lors des coups de reins dont, sur ou sous elle, il devait être prodigue.
    – Guerpissez, dit-il avec une violence qui aiguisait sa voix muée depuis peu, sans toutefois que sa menace parût redoutable.
    Tristan songea qu’ailleurs, en d’autres lieux, d’autres temps, et dans l’ignorance de sa véritable nature, ce jouvenceau eût pu lui plaire. Il s’aperçut qu’Olivier reculait vers le seuil tout en y entraînant sa mère. L’impérieuse exigence d’une fuite effaçait en eux, brusquement, leur arrogance précédente.
    – Écartez-vous ! enjoignit Paindorge aux hommes.
    Aucun ne remua. Ils s’entre-regardaient et défiaient ce chevalier dont la venue et les intentions déprimaient leur orgueil et leurs mœurs.
    – Hé, vous autres, dit Tristan à ses compères.
    Lebaudy apparut à senestre, Lemosquet à sa dextre.
    Devant eux, les visages tendus, maussades, n’exprimaient rien d’autre que l’imbécile satisfaction de nuire ou de compliquer. Il y avait dans le crâne de chacun une attente et dans un poing, une lame courte, certes, mais dangereuse.
    – Faut leur rentrer dedans, dit Paindorge alors que la mère

Weitere Kostenlose Bücher