Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
les entrailles : il les rejoindrait. Il vengerait aussi Oriabel, qu’elle avait poussée à la mort. Oriabel en laquelle cette démone avait découvert une rivale.
    La nuit lui parut plus claire. Non : ses yeux lui mentaient. C’était l’absence d’arbres qui l’induisait en erreur.
    Un tournant et il exulta : ce fantôme dansant à moins de cent toises, c’était le cheval d’Aliénor. Le chemin qui montait alentissait sa course.
    « Si je ne les rejoins pas maintenant… »
    Dans la descente, il dévalerait en torrent, l’arme haute.
    Il se refusait à penser. Penser amoindrirait sa force et pis encore : son dessein. Il sentait grandir au fond de lui-même la notion d’une indignité informe mais réelle : avait-il le droit d’occire ce couple homicide ? Ne valait-il pas mieux le livrer au prévôt et à ses assesseurs ? Un juste procès aboutirait-il à un châtiment juste, immédiat, exemplaire ?
    « Non !… Pas de prévôt… Telle que je la connais, Aliénor pourrait séduire un juge, des juges et se rire de moi une fois acquittée ! »
    La loi de l’espèce, la loi des Castelreng exigeait une vengeance prompte. Aucune hésitation, aucun commentaire.
    – Va, Alcazar !
    Son poignet démangeait Tristan. L’épée. Un coup d’épée. L’estocade pour l’un et le taillant pour l’autre. La justice rendue dans des chairs transies d’effroi.
    Alcazar gagnait du terrain.
    Cinquante toises.
    Trente.
    Le cheval, devant, n’en pouvait mais.
    Vingt toises. Des arbres dans une montée de plus en plus pentue. Des voûtes sombres sous lesquelles la fraîcheur devenait froidure.
    –  Cours, beau cheval !… Vole !
    Les lueurs des étoiles convergeaient vers les fuyards. Ce n’était pas l’aurore et pourtant on eût pu s’y croire.
    Soudain, Alcazar parut éprouver la violente poussée d’une main sur sa croupe.
    – On les tient !
    Dans le crépitement des foulées plus amples et plus rapides, Tristan subit comme un allégement de sa chair et de ses pensées.
    « On les tient ! »
    Sa joie ne consista plus qu’au seul désir de faire un geste. Il scrutait le postérieur du cheval fourbu et le dos d’Olivier rayé par la lueur d’une ceinture de cuir embellie de mordarets (396) .
    Le jouvenceau tourna la tête. Il cria de rage et d’effroi, comme brûlé par le regard posé sur lui et par les lueurs de Teresa qui venait de paraître au poing de son pourchasseur.
    « Il est tout emmaladi de peur !… Il regrette ses amises 169 . Or, il est trop tard pour lui et pour elle. La pitié pour ces gens serait une faiblesse ! »
    Ce fut à ce moment qu’un bêlement plaintif domina le clapotement de la double galopade. Une bête blanche de la taille d’un chien traversa le chemin. Une brebis égarée ? Une agnelle fuyant devant un renard enragé ? À moins que c’eût été le fantôme d’un de ces antenais qu’Olivier avait tant de plaisir à occire.
    Devant cette apparition fugace et inattendue, le cheval des fugitifs hennit et se cabra. Frayeur si prompte et si violente qu’Olivier chut à la renverse, sans un cri, la tête la première. Alcazar évita le corps étendu et s’immobilisa.
    – Salaude ! hurla Tristan.
    Bien qu’elle eût senti son fils la déceindre et tomber, Aliénor talonna sa monture et sans même se retourner, poursuivit son échappement.
    « La gaupe !… L’immonde !… Je n’aurai point pitié de cette pute galeuse ! »
    Tristan mit pied à terre.
    Olivier gisait la tête appuyée sur les graviers du bas-côté. Ses yeux fixes regardaient sans les voir les criblures du ciel et ses mains immobiles, rassemblées sur sa poitrine, serraient soit une épée, soit des rênes imaginaires. Une blancheur givrée donnait à son visage d’où la vie avait reflué d’un coup l’apparence du grès que les imagiers de Mirepoix et de Carcassonne employaient pour y extraire leurs figures. La matoiserie et la méchanceté l’avaient déserté. Il ne subsistait plus qu’une face insignifiante dont les lèvres semblaient s’essayer à sourire, toutes sanglantes aux commissures.
    Tristan souleva un poignet et le lâcha. Le bras retomba comme un morceau de plomb.
    « Dévié… Enfer ou Paradis, peu me chaut. »
    Ce n’était pas la joie qu’il avait pressentie. La mort avait été trop fortuite et trop brève. Il remit promptement Teresa au fourreau.
    « Un mouton… Voilà pour l’équité. »
    D’autres que lui se fussent montrés

Weitere Kostenlose Bücher