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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et le fils disparaissaient.
    – Ah ! oui, dit Lebaudy, l’épée haute. On peut en meshaigner quelques-uns.
    Il n’y eut ni sommation ni cri d’armes. Un homme chut, percé au ventre ; un autre fut atteint à l’épaule et tomba ; un troisième, le flanc ouvert, courut en direction des femmes et s’affaissa avant de les rejoindre. Leurs cris stridents dominèrent ceux des hommes.
    Tristan n’avait fourni aucun coup. Profitant de la presse, il atteignit le seuil.
    « Fermé ! » enragea-t-il.
    Il bondit à la fenêtre, l’ouvrit et vit aussitôt passer, sur le même cheval blanc, les deux fuyards. Aliénor tenait les rênes. Olivier, derrière, la ceinturait à pleins bras.
    – Merdaille !
    Il avait commis une erreur en laissant Alcazar à vingt ou trente toises des murailles. Il courut en direction du boqueteau, remit son épée au fourreau, détacha son coursier et sauta en selle.
    *
    La nuit versait au sol l’or d’un croissant de lune. Le chemin se lisait aisément. Le galop d’Alcazar absorbait le bruit de l’autre galop et les arbres, nombreux, protégeaient la course des fugitifs.
    « Leur cheval doit peiner sous ce double poids de chair !… Ils vont à Mirepoix, j’en jurerais. C’est là qu’elle a sa famille et quelques amis. C’est parmi eux qu’Olivier a son père ! »
    Ils connaissaient les voies les plus courtes. Lui aussi. Il les rattraperait avant qu’ils eussent atteint la cité.
    Il retint Alcazar aussi lentement que possible. Quand le coursier fut immobile, il écouta. Aucun doute : ils étaient devant.
    Après Saint-Couat et ses dix ou douze maisons, une seule voie rejoignait la longue montée de Saint-Benoît, puis descendait, par Courtauly et Peyrefitte, jusqu’à l’étroite route qui, par Caudeval et Moulin-Neuf, menait à Mirepoix.
    « Leur cheval va s’époumoner dans la grimpée de Saint-Benoît. C’est là qu’il faiblira tout à notre avantage. »
    Tristan relança son coursier :
    – Va ! Va, l’ami !… Il nous faut les rejoindre !
    La lune restait leur alliée : entre les ténébreux rebords des bas-côtés, le passage se lisait, bien qu’il fût traversé parfois d’ombres dues aux épaisses feuillées qui le dominaient de loin en loin. Sûr de lui, Tristan ne sentait pas les secouements d’un galop qui ne cessait d’être ample, régulier, véloce et qui rabattait avec force son épée contre sa cuisse et parfois son genou. Il gémissait de malerage. Il avait comme distancé les événements qui avaient précédé son pourchas. Sa confiance était si persuasive qu’il eût chanté s’il n’avait craint qu’elle ne préjudiciât ses desseins : elle infusait dans un bonheur certes anticipé mais nécessaire à sa volonté de justice.
    La gorge sèche, comme serrée par l’anneau d’un carcan, l’œil larmoyant à force de scruter l’obscurité, le crâne en feu, il se laissait porter par Alcazar autant que par la satisfaction d’exercer bientôt sa loi. Il fallait qu’il occit sans remords les meurtriers, les scandaleux, les incestueux de Castelreng. Il était oppressé par la certitude d’être dans son bon droit et, par le truchement de frère Auguste Gaulène, d’obtenir la clémence divine. Entre les deux fuyards et lui, rien ne vivait. Rien ne vivrait. Si parfois son cheval trébuchait sur les excroissances du sol, celui qui galopait devant devait subir davantage qu’Alcazar les inconvénients du chemin. Parfois, dans l’enchevêtrement des branches, apparaissaient les contours d’une chaumière et parfois, bien haute, l’orbe d’une lune-hostie dont un géant eût grignoté le bord.
    – Va ! Va, Alcazar.
    Ce serait une nuit de course vengeresse et, sous la ramée, une nuit obstinément glauque comme une eau dormante où s’enfonçaient deux démons qui devaient maintenant ouïr le froi 167 d’un coursier infatigable. Il entendait de mieux en mieux celui du leur : un crépitement doux et acharné qui s’effaçait parfois pour renaître plus fort.
    – Va, Alcazar ! J’ai foi en ta ravine 168  !
    Il lui semblait qu’il était ceinturé de plomb. Quelque chose s’insinuait au tréfonds de son âme, précipitait les battements de son cœur, affermissait sa fureur et son intention d’être mauvais. Son imagination lui montrait une Aliénor réduite à la peur, à la désespérance, éplorée sans que son fils s’en doutât.
    Il se redressa en riant, un peu de joie dans la cervelle et de douleur dans

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