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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prouver. En espérant peut-être à tort cette nouvelle transmutation, il pouvait se demander si l’aigreur qu’il éprouvait ne signifiait pas qu’il était sur le point de perdre sa jeunesse.
    Où était le temps de Villerouge ? Le bon temps où Maguelonne courait vers lui avec la fougue malaisée d’une pucelle gênée par sa robe, chacun de ses genoux boursouflant successivement la tiretaine jaune élimée. C’était le temps où elle voulait et lui non, par respect et par principe.
    Bien qu’elle sût qu’elle exaspérait fréquemment sa patience, elle mêlait toujours à son amour pour lui un sentiment d’admiration qui ne faiblissait pas. Si, au commencement de leur vie commune, le plaisir d’une étreinte avait été pour elle un miracle de leurs passions réunies, il semblait qu’elle n’y vît désormais qu’une sujétion à la nature. Était-ce, se répétait-il, en raison de son état ? Il n’y avait point, à Castelreng, un chapelain pour lui « tourner la tête ».
    Un jour vint où elle se plaignit d’une lassitude continuelle dont peut-être elle exagérait l’importance. Contrairement à ce que Tristan craignait, elle accepta de rares enlacements avec une soumission qui semblait la cendre des brasiers d’autrefois. Ignorant si ces consentements signifiaient qu’elle passait du goût au devoir et de celui-ci à une espèce d’aumône – sur les conseils, peut-être, d’Alazaïs et de Sibille -, il se rassura en se disant qu’ils communiaient encore et que c’était là l’essentiel.
    Ce furent des mois tant bien que mal sereins. Riche modérément, Tristan maintint au chaud le cœur de son épouse par des largesses mesurées. Elle obtint en présent une jeune haquenée, reçut des robes de prix acquises chez Antonia Lemosquet et porta le dimanche certains joyaux de dame Hombeline. Exprimait-elle un vœu aisé à satisfaire ? Elle le voyait exaucé. Quoique désintéressée, elle se merveillait d’une prodigalité dont, pourtant, elle connaissait les limites. Elle faisait acte de générosité auprès du donateur par des abandons eux aussi calculés. L’issue semblait la contenter sans que son souffle eût été changé du commencement à la fin. Proche dans la journée, Tristan la voyait s’éloigner de lui dès qu’approchait la vesprée.
    – Comprends-tu, disait-elle hors des draps, je suis grosse.
    Son ventre était le même et ses formes pareilles.
    Les nuits se multiplièrent où elle se refusa en alléguant ce prétexte.
    – Soit, disait-il parfois, tu vas enfanter. Mais ça ne se voit pas. Je saurai m’abstenir sitôt qu’il le faudra.
    Après avoir considéré leur mariage comme un présent de la providence, Maguelonne s’interrogeait-elle avec une perspicuité nouvelle sur certaines de leurs dissemblances ? Il était noble, elle venait du commun. Était-elle tenue de lui céder sur tout, et même devait-elle, pour cette raison, contenter sans rechigner son humeur de mâle éprouvé par les batailles et les déconvenues familiales ? Non. Elle était son épouse, point son esclave. Il allait avoir trente ans, elle dix-sept. Bien qu’il la traitât en adulte, se sentait-elle amoindrie par une différence d’âge et des bienveillances nées de celle-ci qu’elle trouvait parfois imméritées ou fortement intéressées ? Elle semblait se repentir toujours de l’aimer moins qu’il ne le méritait et pourtant ses renoncements révélaient une satiété singulière qui n’était point due à son état.
    Bien qu’il le voulût, il ne pouvait rompre la litanie des questions qu’il se posait sur l’étrangeté des sentiments de Maguelonne. Privé du vif aspect de dévotion qu’il lui avait connu au commencement de leurs amours, son comportement signifiait-il qu’elle croyait, enceinte, avoir atteint l’âge adulte, partant une sagesse ou un désenchantement inhérent à la maturité ?
    Elle eut moins de langueur dans ses réveils et plus de fermeté dans ses propos quand, avant d’entamer une journée, elle s’informait de quelque tâche ou suggérait celles qu’ils devaient promptement accomplir, lui hors des murs, elle à l’intérieur. Après tant de jours ordinaires pour elle à Villerouge, aventureux pour lui, particulièrement en Espagne, il leur plaisait différemment de voir s’ouvrir devant eux des matinées souvent trop étroites et des après-midi d’ouvrages en quelque sorte innocents.
    – Tu ne peux pas me comprendre, lui

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