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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’elle souhaitait ardemment, bien qu’elle se fût toujours gardée de la moindre allusion à cette conséquence prévisible de leurs étreintes. Cependant, les jours qui suivirent, plutôt que de se confiner dans une mélancolie qui l’eût contristé, Maguelonne fit l’effort de se montrer gaie, confiante, prévenante.
    Un héraut, Raoul de Belpech, et sa suite se présentèrent à Castelreng dans la matinée du lundi premier octobre. Il allait y avoir des joutes à Mazères, le 14 du même mois. Gaston Phœbus avait promis d’y courir des lances, et comme le sire de Castelreng était réputé pour sa bachelerie on espérait sa présence.
    Tristan refusa sans façon, arguant de son manque de préparation et de sa participation aux vendanges décidées pour les vendredi et samedi précédant ces joutes. C’était un mensonge : la cueillette du raisin avait été prévue pour la semaine succédant au pardon d’armes de Mazères. Une fois le héraut loin des murs, Maguelonne lui reprocha de s’être privé d’un plaisir et d’une fête où il eût certainement brillé.
    – De l’aube au soir, tu es aux champs avec les hommes. Il aurait été bon que tu coures des lances.
    – J’aime mieux les courir avec toi.
    C’était la vérité, mais nuancée d’un soupçon d’amertume : s’adouber, revêtir une belle cotte d’armes, porter le grand heaume sommé de deux tours d’argent eût été répandre tout à la fois dans son sang l’ardeur et le délit 175 des jours héroïques. Outre qu’il lui eût déplu que son nom fût à nouveau clamé dans les champs clos, il se refusait à jouter contre des inconnus certainement à court d’expérience.
    – Parfois, dit Maguelonne, tu me parais si doulousé que je me demande si tu ne regrettes pas la guerre.
    – Oh ! Non… Mais il m’advient, dans la paix de nos terres, de craindre sa venue. C’est pourquoi nous nous exercisons de temps en temps, Robert, moi et les autres.
    Il flairait la guerre. Le peu que lui eût dit Raoul de Belpech sur les événements extérieurs aux joutes qu’il publiait en dégageait la puanteur. Elle reprenait dans le nord de la France et, comme toujours, elle commençait honteusement pour les bannières aux lis. Le duc de Bourgogne et son ost s’en étaient allés à Hesdin pour combattre Lancastre. Ils avaient évité l’affrontement, ce dont moult gens s’étaient montrés courroucés car ils avaient l’espérance de voir leur contrée purgée des Goddons 176 . Or, ceux-ci avaient répandu la terreur et le feu dans les comtés d’Eu et de Ponthieu.
    « Il paraît que le roi se lamente », avait commenté Belpech. « Il envoie à Guesclin chevaucheur après chevaucheur, mais le Breton reste en Espagne. »
    Bertrand le hutin, providence de la royauté française. Ah ! Oui : mieux valait vivre en homme de la terre qu’en chevalier honnête. Mieux valait par-soigner le blé, le foin, la vigne que les lis !
    Le village de Castelreng, quasiment désert sous la suzeraineté d’Aliénor et de son fils, se repeuplait de couples souvent pourvus d’enfants chétifs et qui avaient tout perdu sous la tyrannie des Compagnies. Tristan se refusait à savoir d’où ils venaient et quelles avaient été leurs misères. Ils étaient sous sa protection et s’y plaisaient ? Tant mieux pour eux. Ce n’était pas la mort qui s’enracinait à Castelreng mais la vie et accessoirement la gaieté. Par l’entremise de Paindorge, il leur offrit des terres. À eux de faire en sorte qu’elles devinssent prospères. Il avait droit au respect des hommes, aux sourires parfois trop bienveillants des femmes et des donzelles. Que souhaiter de mieux ?
    Il se sentait à l’aise ; tellement, d’ailleurs, dans ce menu royaume qui lui appartenait, que toute chevauchée au-delà de Limoux, Mirepoix, Chalabre ou Roquetaillade lui devenait fastidieuse. Quand les vendanges furent achevées, le fourrage engrangé, les premiers labours commencés, il s’accorda quelques randons, soit avec Alcazar, soit avec Malaquin afin qu’ils ne perdissent pas leur vélocité, leur vigueur et leur goût de l’effort. Il advenait que Maguelonne lui fît seller John ou Babiéca, pour l’accompagner dans des chevauchées courtes et lentes. Échanger des propos eût été inutile : ils communiaient dans le silence et la nature. Il leur était doux, ensuite, de revenir au château pour y prendre un repos qui parfois dénouait un enlacement bref où le

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