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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Raimond Limouzy, chez lequel il était allé de loin en loin se désaltérer, parut ébahi de le revoir.
    – Six mois au moins, messire, qu’on ne vous avait vu !
    – Trois mois peut-être, mais pas six. J’étais occupé, résuma Tristan tout en s’asseyant face à Belpech.
    C’était bref, mais que dire d’autre ? Il advenait parfois qu’il détestât les cités et les gens qui les animaient. Alors, pourquoi les eût-il fréquentés ? Sans qu’il les prît pour des oisifs, une sorte de mépris s’insinuait dans ses veines au spectacle des allées et venues des manants et manantes, même si certaines d’entre elles pouvaient débrider son imagination. Toute cette gent vivace, bavarde, bariolée, ignorait ce qu’était la peur et plus encore le courage. Les vrais. Mais pour l’amour, certains n’eussent-ils pas été en mesure de lui offrir des leçons ? Ne fallait-il pas qu’il devînt un bourdeur 223 pour extraire de pareilles idées de sa taciturnité ?
    – Occupé, répéta-t-il sous le regard pénétrant du tavernier.
    « Occupé à quoi faire ? » interrogeait Limouzy. « À éduquer mon gars », eût été la réponse si la curiosité de Limouxin s’était franchement exprimée.
    Bien que Maguelonne réprouvât les leçons qu’il donnait à leur fils chaque matin, il avait sur elle l’avantage de voir Hélie se consacrer volontiers à la lecture, à l’écriture et au maniement des armes. Certes, il était jeune encore pour mener un cheval, mais Alcazar et Malaquin – qui vieillissaient eux aussi – l’avaient adopté. Tout était pour le mieux. Ou plutôt tout eût été pour le mieux si l’enfant, de loin en loin, n’eût perdu mauvaisement son souffle.
    Il tressaillit car Belpech lui parlait – peut-être depuis un certain temps.
    – Il y aura des joutes à Mazères et, quinze jours plus tard, dans les lices de Carcassonne… Vous n’avez sûrement pas perdu la main, si j’ose dire.
    – Je crois n’avoir rien perdu de mes qualités pour peu que Dieu m’en ait fourni.
    – Alors, venez les mettre en évidence… On parle même d’un tournoi à Puivert !
    En rencontrant Belpech, Tristan avait éprouvé un sentiment d’agacement. Ce prud’homme semblait si fier d’être heureux qu’il n’avait pu se retenir de penser : « Un chevalier qui n’a jamais ostoié… Il connaît tout de la vie, rien de la guerre. » Puis, dans sa langue natale : «  A une mina coma un trompetaire 224 . » Il eût dû admirer ce chanceux, or, il éprouvait l’inverse.
    – Les nouvelles sont bonnes, dit Belpech. Savez-vous que Richard II a été couronné ?
    – Oui. Au contraire de vous, je ne trouve rien de réjouissant à ce sacre. C’est un enfant. Les Grands, à l’entour de sa personne, décideront pour lui.
    – Savez-vous que nos gens ont débarqué en Angleterre ?
    – Non.
    – C’est tout ce que vous fait cette appertise ?
    Tristan retint sa respiration. Que croyait-il, Belpech ? Qu’il allait frapper des mains ou l’embrasser pour lui avoir annoncé ce fait de guerre ? Eh bien, non. Il n’était nullement ébahi. Depuis le temps que Charles V ambitionnait une prouesse de cette espèce ! Combien de guerriers avaient pris la mer – sans lui ? Combien de chevaux – car il y en avait ? Combien d’hommes et de montures au retour ? Combien de deuils chez les Goddons ?
    – Je m’attendais à vous réjouir.
    – Je le suis, Belpech. Je le suis.
    « Mensonge ! » se reprocha Tristan, mais, face à un tel marmouset, c’était un péché véniel. Si son vis-à-vis s’était attendu à une attitude ou un cri significatif d’une ardente admiration, il s’était mépris. Allons, il fallait feindre de prendre en haute considération la nouvelle :
    – Qui en était ? Vous me semblez fort instruit sur cette appertise.
    – Jean de Vienne, Jean de Raix et l’amirante de Castille.
    – Et Guesclin ?
    – Non.
    – Ailleurs qu’à la Cour, il ne sait sûrement pas nœr 225 .
    – Sans doute, acquiesça Belpech insensible à ce commentaire.
    – Dites m’en plus… C’était la grande idée du roi Charles d’envoyer sur les côtes de la Grande Ile une armée qui sans doute employa les réchappés de l’Espagne… Mais le roi n’est point le grand Guillaume… L’Angleterre ne peut plus être conquise.
    – Dommage.
    – Que savez-vous d’autre ? insista Tristan, voyant que Belpech semblait particulièrement

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