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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fèvre pour reclouer un des fers de son roncin. Je l’ai emmené à la forge d’Urbain Dauzat.
    – Près de la Bonne Truite.
    –  En attendant que la besogne se fasse, nous avons vidé un gobelet et c’est comme ça que j’ai su qu’un damoiseau s’était présenté au Louvre en se disant fils du roi et de la reine. Adoncques le frère de sire Charles 221 ou son frère !
    C’était une information si grosse, songea Tristan, qu’elle paraissait inventée. Or, ce n’était pas la première fois qu’un damoiseau hardi prétendait être né d’un roi et d’une reine.
    – Merdaille ! dit-il. Comment savoir le vrai ? Il y a plus de cinquante ans – et je tiens cela de mon père -, un certain Guccio apparut à Paris. Il se disait fils de Louis le Hutin et de Clémence de Honguerie… Et il se peut qu’il l’ait été (412) – car on parla d’une substitution d’enfant et de poison.
    – De poison ?
    – De poison versé au fils que l’on croyait de Clémence… Or, il avait été soigneusement échangé avec l’enfant d’une servante. Devenu adulte, ce Guccio revendiqua la couronne.
    – Sans preuves !
    – Il se peut qu’il en ait possédé, ce que n’avait peut-être pas le damoiseau dont tu m’entretiens… encore que je m’aventure à le prétendre.
    – Avec tous ces rois qui forniquent à dextre et à senestre, aux quatre vents et quatre culs, va falloir, dit en riant Paindorge, demander aux orfèvres des couronnes en supplément.
    – Les ducs, frères du roi, ont dû faire en sorte d’éliminer ce garçon.
    – Certes. On l’a tondu, marqué au fer et engeôlé.
    – J’espère qu’il s’évadera et que la leçon lui sera profitable.
    – Moi de même !
    Or, ils doutaient l’un et l’autre qu’une évasion fût possible : un bâtard de roi méritait la mort, nullement les honneurs de la Cour. Paindorge, après avoir lampé un gobelet d’hydromel, ajouta :
    – Lorsque le chevalier qui avait élevé, nourri et appris le métier des armes au damoiseau sentit venir sa fin, il lui révéla qu’il était prince du sang.
    – Quand on va paraître devant Dieu, on n’est, bien sûr, nullement enclin à raconter des sornes. Sais-tu d’où était ce chevalier ?
    – De Soissons, selon le chevaucheur. Il a fait ces révélations à ce gars qu’il considérait comme son fils devant des témoins et tabellions.
    – Je doute qu’ils soient encore en vie… et je suppose que leurs maisons ont été visitées.
    Tristan imagina les angoisses du jeune outrecuidant. Bâtard, il avait certainement cru qu’un avenir lumineux commencerait pour lui dès sa comparution devant le roi de France. Il connaissait, dans les ténèbres de son ergastule, une mort lente en compagnie des rats contre les assauts desquels il devait préserver son pain et son eau.
    – Moi, au moins, dit-il en remplissant derechef les gobelets.
    – Au moins quoi ? interrogea Paindorge.
    La réponse eût été : « Moi, au moins, je n’ai pas engendré de bâtards. » Tristan n’osa la formuler. D’ailleurs, en était-il si certain ? C’était peut-être parce qu’elle avait découvert qu’Oriabel était enceinte de lui qu’Aliénor avait fait en sorte de réduire la jouvencelle au désespoir.
    – Connais-tu le nom de ce chevalier ?
    – Nul ne le sait à la Cour… pour le moment.
    – La vie est laide, Robert, soupira Tristan. Il n’existe aucun remède. Ce damoiseau, s’il était bon et fort, aurait été capable de rédimer la faiblesse maladive des autres, ces princes dépourvus de la moindre valeur… Tiens : heureusement que nous sommes céans, loin de Paris et de ses faciendes 222  !
    Tristan sentit venir sa maussaderie coutumière. Elle procédait d’une faculté d’observation qui se fixait volontiers sur lui-même. C’était vrai qu’il eût dû s’estimer heureux d’être ce qu’il était où il était. Or, il sentait dans son existence un vide sans nom, sans contours. Plus il se disait incompris et comme esseulé – ce que sa raison démentait -, plus il percevait au fond de son cœur une turbulence qui rongeait celui-ci comme pour s’y frayer un passage.
    – Je pense à la tête que fit le roi en se découvrant un frère ou un fils jeune, peut-être beau et certainement sain !
    Il eût aimé rire d’un rire à la fois triste et enjoué en imaginant le mol visage de sire Charles durcissant soudain sous l’effet de l’ébahissement et du courroux. Le

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