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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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informé.
    – Ils ont pris terre à l’île de Wick 226 et couru le pays sur les chevaux qu’ils avaient emportés sur leurs huissiers 227 … Yamoude 228 , Dartemoude 229 , Pleuvemoude 230 , Wesincé 231 ainsi que de bons gros villages ont été détruits… Puis ils ont désancré pour aller vers Hamptone 232 où là, je crois qu’ils ont dû retraiter… Mais avant…
    – Avant ?
    – Ils avaient navié jusqu’à Pesk 233 où il y avait un gros port.
    – J’en connais un gros… enfin, si l’on peut dire.
    Belpech écarquilla les yeux. Il ne comprenait point.
    Tristan l’invita d’un sourire à poursuivre.
    – Guillaume de Montagu, comte de Salebrin 234 , et Jean, son frère, les ont escarmouchés. Alors, ils ont retraité encore pour aller je ne sais où 235 . Mais une chose est sûre : Thomas Ceni et Jean Affasselée (413) leur sont tombés dessus. C’est quand ils sont revenus aux vaisseaux qu’ils ont appris la mort du roi Édouard. Jean de Vienne a envoyé à Paris un chevalier et deux écuyers pour que le roi le sache. On dit que depuis, le roi est moult pensieux (414) . Il a envoyé une grosse navie 236 devant Calais pour le prendre. Elle s’est desrompue à Harfleur.
    Raoul de Belpech vida son gobelet et d’un revers de main sécha ses lèvres. Par la fenêtre et la porte ouverte, Tristan vit les passants. La plupart riaient. Des hommes, des femmes aux caractères apparemment égaux. Ce n’était pas le peuple grave de Paris, ni celui, très agité, de Tolède et de Séville. Ce n’était pas celui, insouciant en apparence, du Bordeaux soumis au règne du prince Édouard.
    « Qu’est-ce que je fais ici ? »
    Il sentit les yeux de Limouzy, puis ceux de Belpech sur sa personne, sur son visage en particulier. D’autres se fussent sentis flattés par cette double marque d’intérêt. Pas lui. Oh ! Non, pas lui.
    – Est-ce tout ? demanda-t-il après avoir vidé son gobelet et prié, d’un geste, le tavernier de renouveler la lichée.
    – Non ! s’empressa Belpech. Après cinq ans d’étroite garde, le captal de Buch est mort 237 .
    – Sa fidélité à Édouard le Jeune lui a coûté la vie. C’est beau, la fidélité… Mais c’est ennuyeux !
    – Vous parlez pour la captal ou pour vous ?
    Volontairement ou non, Belpech fleuretait avec l’effronterie. Tristan décida de s’y montrer insensible. Cet homme qu’il considérait comme un nicet 238 était-il plus subtil qu’il ne l’avait cru ?
    – Vous savez des choses… Qui vous les a révélées ?
    Belpech ne se fit point prier :
    – J’ai des parents à Carcassonne… Dans le clergé… Rien de meilleur pour savoir des choses, comme vous dites.
    Tristan sut qu’il n’obtiendrait rien de plus. Quelque évêque, sans doute, aimait à confabuler avec cet homme encore jeune dont les yeux petits, bleu pâle, inquisiteurs, commençaient à trop l’observer.
    – Je crois vous avoir tout dit… Les noms anglais n’ont point de secret pour moi et je retiens bien ce qu’on m’apprend… Vous en aurez profité.
    – Je vous en sais bon gré.
    Courtoisie. Et ensuite ? Un silence parut fournir une espèce d’osé 239 à Belpech. L’éclat de ses yeux s’aviva cependant que le reste de son visage exprimait une inquiétude légère :
    – Pensez-vous, Castelreng, que la paix va se rétablir en France ?
    Un geste prompt, évasif, valut une réponse.
    – Guesclin fait tout dans ce sens.
    Comment le Breton, qui ne se satisfaisait que de la guerre, eût-il pu souhaiter la paix et contribuer à son institution ?
    « Et voilà ! » songea Tristan. « Pourquoi me suis-je attardé ? Vais-je ouïr maintenant l’éloge du chien de garde de messire Charles Quint ? »
    – Vous l’avez costié fréquemment ?
    – Ne vous l’ai-je pas dit ?
    – Est-il affable ?
    – Comme…
    Tristan choisit un autre langage :
    –  Esta fréch couma une cadéna de pous (415) .
    – S’il était invité à Mazères pour les joutes dont je vous ai parlé gagnerait-il les prix ?… Est-il aussi bon à cheval qu’à pied, une hache en main ?
    –  Sé ten miou à taoula qu’a chabal (416) … Et je crois, messire Belpech, qu’il déteste la foule. Il n’aime que celle des hommes d’armes… La sienne, évidemment, où les Bretons excèdent… si je puis dire.
    En fait, hormis son plaisir d’être « en famille » avec frères, cousins et compains de sac et de corde, le Breton ne tolérait la

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