Les templiers
Bagdad, les musulmans se réconcilièrent et les Damasquins se vengèrent du royaume latin en menaçant Jaffa. Les arbalétriers francs les repoussèrent le 6 mai 1253. Au mois de juin suivant, Sidon, dont l’enceinte n’était pas encore construite, essuya une attaque et mille deux cents chrétiens furent tués.
Saint Louis, laissant les murs de Jaffa pratiquement terminés, gagna Sidon et lança son armée, sous le commandement de Philippe de Montfort et des deux Maîtres du Temple et de l’Hôpital. Lorsque le rempart de Sidon fut terminé, le roi entra à Acre, le 7 mars 1254 ; il arma chevalier Balian, le fils de Jean Arour, le 12 avril, comme il l’avait fait en 1252 pour Bohémond IV. Le 25 avril, il s’embarquait pour la France.
Pendant ce temps, les Templiers Renaud de Vichiers et son Maréchal Hugues de Jouy, profitant d’une affaire de redevances prélevées à Saphet, reçurent l’émir de Damas et signèrent un accord avec lui. Les Templiers gardèrent cette rencontre secrète. Ils avaient trop en mémoire le souvenir des reproches adressés par saint Louis à Guillaume de Sonnac.
Le roi, informé de ces démarches, s’indigna profondément et résolut de punir l’insubordination et l’indiscipline de la maison. Le jugement est rapporté par Joinville :
— « La quatrième amende fut celle-ci : frères Hugues de Jouy, maréchal du Temple, fut envoyé au sultan de Damas par le Maître de l’Ordre, pour négocier au sujet d’une grande terre que tenait les Templiers et dont le sultan voulait la moitié. Les conventions furent faites, mais suspendues à l’accord du roi. Frère Hugues amena un émir du sultan de Damas apportant les conventions écrites que l’on appelait «montre-foi ». Le roi, lorsque le Maître lui expliqua les choses, en fut profondément ému et dit que c’était bien hardi d’avoir négocié avec le sultan sans lui en parler : il en voulait réparation. Ce qui fut fait de cette manière. Le roi fit lever les pans de trois de ses pavillons et là se mit tout le commun de l’armée qui voulut venir. Le Maître du Temple vint avec toute la communauté, sans chausses, à travers le camp, parce que leurs tentes étaient en dehors. Le roi fit asseoir devant lui le Maître du Temple et le messager du sultan, puis il dit tout haut :
— « Maître, vous direz au messager du sultan qu’il vous pèse d’avoir traité avec lui sans m’en parler, et que, pour cela, vous le tenez quitte de toutes ses promesses. » Le Maître prit les conventions et les bailla à l’émir en ajoutant :
— « Je vous rends les conventions que j’ai mal faites et cela me pèse. » Alors le roi fit lever le Maître et tous ses frères, puis leur ordonna : « Agenouillez-vous et faites amende honorable pour être allés contre ma volonté. » Le Maître, à genoux, tendit le bout de son manteau au roi. Il lui abandonna tout ce qu’ils avaient pour que le roi prenne en réparation ce qu’il choisirait.
— « Je demande, fit le roi, tout d’abord, que frère Hugues qui a fait les conventions, soit banni de tout le royaume de Jérusalem. Ni le Maître qui était cependant compère du roi pour le comte d’Alençon, né à Châtel-Pèlerin, ni la reine, ni personne, ne purent aider frère Hugues et il lui fallut vider la Terre Sainte et le royaume de Jérusalem. »
Malgré l’humiliation reçue, Hugues de Jouy partit pour l’Espagne où il fut nommé Maître en Aragon et Catalogne. Il eut des ennuis avec quelques chapelains de l’Ordre et dut faire intervenir le pape. Alexandre IV lui écrivit de Naples, le 11 mai 1255, la bulle «Insinuasti nobis », dans laquelle il l’autorisait à déplacer les chapelains de l’Ordre qui refusaient de lui obéir et qui avaient un esprit de rébellion.
Saint Louis avait quitté le royaume latin après avoir réussi à faire évoluer la situation délicate, et cela bien que Conrad IV soit le seul roi en droit. Le roi de France fit preuve, sans titre juridique, d’une autorité due à son prestige moral, à son esprit de justice et à son grand héroïsme pour la foi chrétienne.
La paix était revenue. Mais au moment où il était important de remettre en état la Terre Sainte, les seigneurs et les nobles allaient se livrer au jeu stérile des partis.
CHAPITRE XVI Les assises
E N quittant la Palestine, saint Louis ne laissait derrière lui qu’un pauvre royaume sans autorité centrale ni
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