Les templiers
fait.
La tâche des Maîtres du Temple allait devenir de plus en plus rude. Les deux derniers, Thomas Béraud et Guillaume de Beau jeu, se montrèrent à la hauteur de leur fonction. Les responsabilités s’accrurent avec l’accumulation des désastres qu’activait l’indifférence totale des royaumes et puissances d’Europe.
Thomas Béraud fut accusé de maintes choses ignobles. Dupuy ne reprend-il pas, dans son procès, la fameuse phrase : « Ce fut sous sa maîtrise que l’Ordre se corrompit. » Les accusateurs du Temple, même modernes, laissèrent aller leur imagination à partir de cette phrase sans chercher la vérité.
La Règle de Barcelone met en évidence tout autre chose. Elle montre l’Ordre du Temple comme un gouvernement constitutionnel où les Chapitres Généraux veillaient avec soin aux bons usages et coutumes de la maison. On retrouvait ce soin même dans les petits chapitres de commanderies. La Règle de Barcelone date de la fin du XIII e siècle. Les Égards des manuscrits de Rome et de Paris furent ajoutés sous la maîtrise de Thomas Béraud. Cette réforme témoigne de la primauté accordée à la codification des statuts.
Le Maître acquit la volonté de maintenir et surtout de renforcer l’autorité de la Règle et la justice de l’Ordre. L’Ordre ne fut pas corrompu, bien au contraire. Durant cette période où le royaume latin s’écroulait, le Temple vit son esprit de corps se resserrer et la discipline se raidir, ce que ne manqueront pas signaler les deux patriarches Elie I er et Nicolas de Hanapes, ce dernier pourtant dominicain.
Les Égards sont un véritable rapport sur l’état de la Terre Sainte à la fin du royaume latin. Les invasions mongoles comme les luttes intestines des barons y sont signalées. Les Mongols passèrent la frontière de Syrie en 1257. L’article 576 de la Règle du Temple laisse entrevoir le souci de Thomas Béraud de sauvegarder la vie des frères.
Les Tartares, après avoir enlevé Damas et plusieurs places importantes aux Turcs, après avoir été mis en déroute à Tibériade par le sultan d’Égypte en 1260, s’allièrent aux Templiers. Jacques de Molay, dans sa lettre au roi d’Angleterre, dit qu’il a été obligé de signer un traité semblable pour lutter contre les musulmans, «notre ennemi commun ».
Or, les Tartares menacèrent les frontières de Palestine. Thomas Béraud, voyant le péril, adressa une lettre aux douze frères qui étaient à Jérusalem avec leur commandeur, et leur montra qu’ils couraient un grand danger. Il leur demanda de se retirer sur Jaffa avant d’être assaillis par les Tartares. Le Commandeur des chevaliers refusa de partir sans les frères de l’Hôpital qui eux n’avaient pas reçu de rappel. Alors, « un frère qui était le plus vieil homme de ma maison » fit savoir à tous qu’ils devaient obéir au Maître, de peur de la justice de la Maison.
Ce récit résume la situation. La ville était en ruine ; les chevaliers, peu nombreux, étaient unis avec ceux de l’Hôpital devant le danger et les menaces de destruction.
Les Templiers ne cesseront d’alarmer l’Occident sur ces raids tartares. Le 4 octobre 1256, Gui de Basainville, commandeur du Temple, écrit à l’évêque d’Orléans que les Tartares ravagent Iconium et que le roi d’Arménie pense qu’ils marcheront sur Jérusalem d’ici le printemps. Quatre ans après, c’est le Grand Maître qui annonce au roi d’Angleterre, Henri III, que les Mongols ont envahi la Syrie jusqu’aux portes d’Acre et qu’ils ont occupé le pays pendant quarante jours. La lettre du Maître est intéressante par les détails qu’elle apporte sur les armées mongoles. Celles-ci, écrit-il, font marcher les réfugiés devant leurs troupes, couvrant ainsi leur avance ; les femmes tartares se battent comme les hommes, et tous tirent à l’arc aussi bien en avant qu’en arrière. Il signale aussi que les tribus de Hulagu-Khan sont arrivées, commandées par le général Kitboga. Les troupes entrèrent en Syrie et prirent Damas. Kitboga continua sa marche sur l’Égypte et fut arrêté par l’armée musulmane, dirigée par Beybars, qui reprit Damas.
Le Maître écrivit le 4 mars 1261 au Trésorier du Temple en Angleterre, frère Amédée, pour l’alerter. Les ordres militaires se partagèrent le travail d’information en Occident. Il fallait essayer d’émouvoir l’opinion occidentale qui oubliait complètement la
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