Les templiers
car je ne pourrai plus souffrir une pareille chose ! » Brochant ses éperons, et tous les siens avec, et comme leurs chevaux étaient frais et ceux des Turcs déjà las, les païens furent occis et jetés au fleuve ou noyés. »
Les Francs mirent un mois pour atteindre Mansûra, ville située à la jonction du Nil et du Tanis. Les Turcs s’étaient retranchés sur l’autre rive. Le roi de France essuya quelques attaques égyptiennes et, à la fin du mois de décembre 1249, il fit entourer le camp de tranchées. Les Francs essayèrent de construire une digue en travers de la branche de Tanis et du fleuve. Les Égyptiens ripostèrent en creusant au fur et à mesure les rivages opposés, ce qui empêchait de terminer la digue. Les Francs érigèrent deux tours roulantes en bois et dix-huit perrières, pour protéger les travaux, car, en dehors du courant, les musulmans empêchaient les travaux par des tirs de flèches.
L’armée de saint Louis dut faire face à deux guerriers de choix, l’émir Fakx-Eddin, l’ami de Frédéric II, et Beybars, le mameluk au sang mongol qui avait brisé les armées franques à Gaza. Un indigène se présenta au roi de France et lui révéla l’existence d’un gué, à une lieue environ, en aval du camp. Saint Louis ordonna de passer en ordre et l’armée se regroupa sur l’autre rive. L’avant-garde dirigée par Robert d’Artois avait à peine atteint la rive qu’il la lança à l’assaut du camp musulman, le 8 février 1250. Le camp fut enlevé par surprise, le général égyptien fut tué et l’armée contrainte à la fuite. Robert, malgré les ordres du roi, acheva sa victoire en poursuivant les fuyards, anéantissant l’armée ennemie et enlevant Mansûra. Le Grand Commandeur du Temple, qui était à l’avant-garde avec son couvent, chercha à retenir le royal frère, mais fut traité de lâche. Il se résigna à suivre la folle chevauchée d’Artois.
La surprise fut complète. Le roi avait envoyé au galop dix chevaliers ordonner à son frère de l’attendre. En vain. En compagnie de frère Gilles, le Commandeur du Temple, Robert pénétra dans la forteresse. Là, ils se trouvèrent en face des mameluks regroupés par leur chef, Beybars. La charge des croisés fut brisée. Les habitants de la ville aidèrent les combattants en élevant des barricades et en jetant des pierres des toits. Trois cents chevaliers séculiers périrent avec le comte d’Artois, tandis que les Templiers, d’après Joinville, perdirent deux cent quatre-vingts «hommes armés et tous à cheval ».
L’armée royale n’avait pas fini de traverser le gué. L’arrière-garde, sous les ordres d’Hugues IV de Bourgogne, était encore sur l’autre rive quand Bey- bars attaqua le corps dirigé par saint Louis. L’armée franque était ainsi divisée en trois parties, sans qu’aucune puisse défendre l’autre. Les mameluks et les Turcs-Arabes s’en donnèrent à cœur joie. Mais l’héroïsme de saint Louis, sa prudence, permirent à l’armée de tenir une journée. Les croisés, refoulés vers le canal, attendirent que le corps du duc de Bourgogne ait pu les rejoindre avec les arbalétriers. L’armée égyptienne, face aux arbalétriers, finit par battre, en retraite, et cette affreuse journée se termina en victoire.
Le 11 février, Beybars lança une contre-attaque. Les chrétiens, retranchés sur les deux rives du fleuve, ne surent pas se dégager à temps. Le premier choc fut soutenu par le comte d’Anjou et les barons. Joinville raconte cette attaque : « Derrière Monseigneur Gautier était frère Guillaume de Sonnac, Maître du Temple, avec tout le peu de frères qui lui restait de la bataille de mardi. Il avait fait élever des défenses devant lui, avec les engins pris aux Sarrasins. Ceux-ci vinrent l’assaillir et jetèrent le feu grégeois sur ce retranchement. Le feu prit facilement, car les Templiers avaient fait mettre de grandes planches de sapin. Et sachez que les Turcs n’attendirent pas que tout fut brûlé, mais ils coururent sus aux Templiers, à travers les flammes. À cette bataille, frère Guillaume, le maître du Temple, perdit un œil, et l’autre il l’avait perdu le jour du Mardi-Gras. Il en mourut, ledit seigneur Dieu absolve. Sachez aussi que, derrière les Templiers, il y avait un arpent de terre si chargé de javelots lancés par les Sarrasins, qu’on ne voyait plus le sol.
Derrière les Templiers se trouvait le corps de
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