Les voyages interdits
d’autre. Maintenant...
— D’accord, maintenant ! lançai-je en un
joyeux écho, et je fis un brusque mouvement vers l’avant qu’elle sut
adroitement esquiver.
— Une minute, Marco ! Tu as oublié ? Ce
n’est pas moi, ton cadeau d’anniversaire.
— Ah oui, c’est vrai, grommelai-je. J’avais
oublié ça. Ta sœur, je me souviens, à présent. Mais pourquoi t’es-tu
entièrement dénudée, Phalène, si c’est elle qui doit... ?
— Je t’ai dit que je t’expliquerais cette nuit.
Et je vais le faire, si tu veux bien arrêter de tâtonner comme ça dans le noir.
Écoute-moi bien, à présent. Ma sœur, qui est aussi une princesse de sang royal,
n’a pas subi la mutilation du tabzir quand elle était bébé, car on
espérait qu’elle ferait un jour un mariage princier. C’est donc une femme dans
toute l’acception du terme, dotée de tous ses organes et en possession de tous
les désirs et capacités qu’elle peut offrir. Pour son malheur, la pauvre fille
s’est avérée, en grandissant, tristement contrefaite. Il se trouve qu’elle est
affreusement laide, je ne puis t’expliquer à quel point.
Incrédule, je rétorquai :
— Nulle part au palais je n’ai vu une telle
créature.
— Bien sûr que non. Elle ne souhaiterait en aucun
cas que quelqu’un la dévisage. Terriblement disgracieuse, elle n’en est pas
moins sensible. Aussi ne quitte-t-elle jamais ses appartements personnels, ici
dans le quartier des femmes, afin d’éviter de croiser ne serait-ce qu’un enfant
ou même un eunuque, qui en ressortirait horrifié.
— Madré mia, murmurai-je. Mais jusqu’où s’étend sa laideur, Phalène ? Est-ce
limité à son visage ? Son corps est-il lui-même mal formé ? Est-elle
bossue ? Que sais-je...
— Chut ! Elle attend derrière la porte et
pourrait bien t’entendre. Je baissai d’un ton.
— Comment s’appelle-t-elle ?
— C’est la princesse Shams. Elle n’a pas de
chance, car ce nom signifie en persan « Lumière du Soleil ». Bon, si
tu veux bien, ne nous étendons pas sur son indicible hideur. Qu’il te suffise
de savoir que cette pauvre sœur a depuis longtemps abandonné l’idée de réaliser
quelque mariage que ce soit ou même d’attirer les faveurs d’un éphémère
amoureux. Aucun homme ne supporterait de la voir au grand jour, ni ne pourrait
même la palper dans le noir tout en gardant sa lance assez tendue pour la zina.
— Che bragal marmonnai-je, parcouru d’un frisson d’effroi.
Si Phalène n’avait pas été en cet instant visible,
même si ce n’était que sa silhouette, je crois que ma propre lance serait
retombée bien mollement.
— En revanche, je peux te l’assurer, ses parties
intimes sont intactes. Et elles ne demandent qu’à être tout à fait normalement
comblées et parcourues. J’aime ma sœur Shams, tu sais, et je veux lui venir en
aide, c’est pourquoi elle et moi avons élaboré un plan : dès qu’elle
repère, depuis sa retraite cachée, un homme qui capte son attention, je
l’invite ici et...
— Vous l’avez donc déjà fait ? chevrotai-je,
consterné.
— Imbécile d’infidèle, bien sûr que nous l’avons
déjà fait ! Et plus d’une fois, crois-moi. C’est pourquoi je peux te
promettre que tu vas aimer. Beaucoup s’en sont déjà régalés, tu sais.
— Tu as dit que c’était un cadeau
d’anniversaire...
— Dédaignerais-tu un présent simplement parce
qu’il t’est offert par une personne généreuse ? Détends-toi et écoute. Voilà
comment nous procédons. Toi, tu te mets sur le dos. Moi, je reste étendue sur
le côté et allongée sur ton torse, de façon que tu m’aies toujours devant toi,
bien visible. Pendant que toi et moi nous adonnerons à toutes les caresses et
coquineries possibles – nous ferons tout ce que tu veux, excepté l’acte ultime
–, ma sœur se glissera jusqu’ici en silence et prendra son plaisir avec la
partie inférieure de ton corps. Pas une seconde tu ne verras Shams ni même ne
la toucheras, hormis avec ton zab, et celui-ci n’aura rien de répugnant
à subir, fais-moi confiance. Pendant ce temps, tu ne verras et ne sentiras que
moi. Tous les deux, nous nous aguicherons jusqu’aux limites de l’extrême, de
sorte que, quand la zina s’accomplira en bas, tu n’auras pas même conscience
que ce n’est pas avec moi que tu l’effectues.
— Tout ceci est grotesque !
— Tu peux bien sûr parfaitement décliner
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