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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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autour du palais, jusqu’à une aile dont je n’avais jusqu’alors pas même
soupçonné l’existence. Comme toutes les autres issues de la résidence royale,
ses portes étaient gardées, mais la princesse et moi n’eûmes qu’à attendre un
instant, dissimulés derrière un massif de fleurs, que les deux gardes eussent
détourné la tête. Ils le firent exactement en même temps, agissant comme sur
commande, si bien que je me demandai, l’espace d’une seconde, si la princesse
ne les avait pas corrompus à cette fin. Nous nous glissâmes tous deux à
l’intérieur incognito, du moins personne ne nous interpella-t-il, et la
princesse me guida à travers plusieurs couloirs curieusement dépourvus de
gardes, eux aussi. Après avoir tourné et retourné, nous franchîmes une dernière
porte non surveillée.
    Nous nous trouvions dans sa chambre, un lieu orné de
splendides qali, où pendaient un peu partout des draperies presque transparentes
aux couleurs pastel et des rideaux diaphanes, tous disposés dans une délicieuse
confusion apparente mais soigneusement préservés des lampes qui brillaient çà
et là, tout autour. La pièce était tapissée d’un invraisemblable amoncellement
de poufs et de coussins si nombreux que je ne pouvais distinguer ceux qui
formaient le divan de ceux qui composaient le lit de la princesse.
    — Bienvenue dans mes appartements, Mirza Marco,
prononça-t-elle. Et bienvenue à ceci, également.
    Sans que je comprenne bien comment, elle dut défaire
un simple nœud ou ouvrir un fermoir retenant ses vêtements car ils tombèrent
tous ensemble, d’un seul mouvement. Elle se tint ainsi debout devant moi, dans
la chaude lumière des lampes, juste vêtue de sa beauté, de son sourire provocant
et de l’unique bijou qu’elle avait conservé, élégamment fixé dans l’arrangement
élaboré de ses boucles noires, formé de trois cerises d’un rouge éclatant.
    Sur les teintes opalescentes de la pièce, la princesse
ressortait de façon vivante et colorée, en rouge, noir, vert et blanc :
rouge des cerises sur le coussin d’ébène de ses nattes, émeraude de ses
prunelles dans l’écrin noir de ses longs cils, vermeil de ses lèvres sur son
visage d’albâtre, pourpre des mamelons érigés, sombres courbes de ses boucles
intimes nichées au creux d’un corps d’ivoire... Son sourire s’agrandit encore
lorsqu’elle vit mon regard errer sur l’affolante nudité de ses formes,
l’envelopper de haut en bas puis remonter de nouveau, jusqu’à se fixer sur les
trois ornements insolites de sa chevelure, ce qui lui fit dire :
    — Aussi brillantes que des rubis, n’est-ce
pas ? Mais bien plus précieuses, car les cerises finissent un jour par se
flétrir. À moins, bien sûr..., insinua-t-elle d’un ton enjôleur en se passant
doucement la langue sur la lèvre supérieure, que quelqu’un ne désire venir les
manger ?
    Là-dessus, elle éclata de rire.
    J’étais aussi pantelant que si j’avais arpenté tout
Bagdad en courant jusqu’à cette chambre enchantée. D’un geste timide, je
m’approchai lentement d’elle jusqu’à une longueur de son bras, qu’elle étendit
pour tâter d’une main douce la partie la plus proéminente de mon être.
    — Ça va, souffla-t-elle, l’air approbateur. Il
est ardent, et tout prêt pour la zina. Enlève tes vêtements, Marco,
pendant que je vais m’occuper des lampes.
    Je me dévêtis docilement, quoique caressant toujours
d’un regard fasciné son corps gracieux. Elle évoluait de façon aérienne à
travers la pièce, mouchant les chandelles l’une après l’autre. L’espace d’un
instant, Phalène se tint devant la lueur d’une lampe et, bien qu’elle eût les
jambes serrées, je vis transparaître à la jointure supérieure de ses cuisses,
juste au-dessous de son artichaut, un minuscule triangle de lumière, comme un
fanal qui me faisait signe. Les paroles lointaines d’un garçon de Venise me
revinrent alors en mémoire, selon lesquelles ceci était la marque indubitable
d’une femme « exceptionnelle au lit ». Quand toutes les lampes furent
éteintes, elle revint vers moi dans l’obscurité.
    — J’aurais aimé que tu laisses de la lumière, lui
dis-je. Tu es si belle, Phalène, c’est un délice de te regarder...
    — Ah, mais les lampes sont fatales aux papillons
de nuit, répondit-elle, partant d’un nouveau rire. Le clair de lune est assez
puissant pour que tu me voies, sans rien distinguer

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