Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
t’avoir très bien renseigné,
si tu n’es même pas capable de faire la différence entre un tenancier de bordel
et un tsaddik !
    — Elle m’a expliqué que les tsaddikim dispensaient
le bien autour d’eux. Or c’est ce que fait un patron de maison close, selon
moi. Alors, maintenant... vous allez me mettre en garde, comme à chaque
fois ?
    — Je viens de le faire. Les muftis fourrent
facilement leur nez partout ici, tu sais. Ne va pas crier ton nom sur les
toits.
    — Non... je veux dire, à propos de la beauté
assoiffée de sang ? Il émit un petit soupir de mépris.
    — Si, à l’âge que tu as, Anonyme, tu ignores
encore le danger de la beauté, je ne vais pas perdre mon temps à instruire un
imbécile. Bon, allez maintenant : un dirham, son équivalent, ou du vent.
    Je laissai tomber la pièce dans sa paume calleuse et
précisai :
    — J’aimerais une femme qui ne soit pas musulmane.
En tout cas, pas tabzir. Et aussi, si c’était possible, une avec
laquelle je puisse causer un peu, pour changer.
    — Prenez la fille domm, éructa-t-il. Elle
n’arrête pas de parler. Prenez cette porte, puis la deuxième à droite.
    Et il se pencha sur sa faux, emplissant de nouveau
l’échoppe du crissement de sa meule et d’une pluie d’étincelles.
    Le lupanar consistait, comme celui de Balkh, en un
certain nombre de « chambres » qui donnaient sur un couloir. Elles
auraient davantage mérité le nom de cabines. Celle de la fille domm était
succinctement meublée, puisqu’elle ne comprenait qu’un brasero à bouses pour le
chauffage et la lumière (ainsi que pour la fumée et l’odeur), et pour le genre
d’affaires qui se traitaient là, cette sorte de lit que l’on nomme hindora. Il
s’agit d’un grabat qui, au lieu de reposer sur des pieds, est suspendu aux
poutres du plafond par quatre cordes, ce qui ajoute un balancement naturel aux
mouvements que l’on peut faire dessus.
    N’ayant encore jamais entendu le terme
« Domm », je ne savais trop à quel genre de femme m’attendre. Celle
qui était assise là, en train de se balancer sur l’hindora d’un air
désœuvré, s’avéra être pour moi une expérience nouvelle, car sa peau était si
sombre qu’elle en était presque noire. Hormis ce détail, elle était assez
plaisante, que ce fut de visage ou de corps. Ses traits étaient fins, sans
cette grosseur qui caractérise en général la race éthiopienne, et sa
silhouette, frêle et légère, était bien faite. Elle parlait plusieurs langues
dont le farsi, ce qui nous permit de converser. Son nom était Chiv. Cela
voulait dire « Lame », m’annonça-t-elle dans sa langue romm.
    — Romm ? Le Juif m’a dit que vous étiez
domm.
    — Domm ? Ah çà non ! s’écria-t-elle
farouchement. Je suis une Romni ! Je suis une juvel, une jeune
femme du peuple romm !
    N’ayant pas la moindre idée de ce que pouvait être un Domm
ou un Romm, j’évitai une discussion oiseuse en entamant ce pour quoi j’étais
venu. Et je ne fus pas long à découvrir que, quelle que fut son origine, la
juvel Chiv – bien qu’elle se proclamât de religion musulmane – était bel et
bien complète, et non excisée de certaine petite partie de son intimité,
comme les autres musulmanes. Ladite partie, d’ailleurs, ainsi que je m’en
rendis compte une fois que j’eus passé la porte d’entrée marron foncé, était
aussi joliment rose que chez toutes ses consœurs féminines. Je pus aussi
constater que Chiv ne simulait pas, mais qu’elle appréciait vraiment ce que je
lui faisais. Et lorsque, nos ébats achevés, je lui demandai nonchalamment ce
qui l’avait amenée dans cette maison de passe, elle ne chercha pas à me jouer la
scène de la pauvre fille poussée à cette extrémité par les nécessités du
malheur, mais avoua avec une éclatante bonne humeur :
    — Oh, j’aurais de toute façon pratiqué la zina
– que l’on appelle surata, chez nous –, parce que j’aime ça. Être
payée pour faire la surata, c’est bien sûr un plus, mais j’aime ça, je
ne m’en cache pas. Refuserais-tu une rétribution, si elle t’était offerte
chaque fois que tu éprouves le besoin d’aller pisser ?
    Eh bien, pensai-je, Chiv n’était certes pas du genre fleur
bleue, mais elle avait le mérite d’être honnête. Je lui offris même un dirham
supplémentaire, qu’elle n’aurait pas à partager avec le Juif. Et, en
retraversant la boutique d’affûtage, je pris un malin plaisir

Weitere Kostenlose Bücher