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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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assentiment. Il se campe bien droit au bord de l’estrade, le regard habité d’une certitude que tout le monde perçoit, et commence d’une voix forte :
    — Aucune parole de l’Évangile de Jean ne permet à aucune Église de faire usage de la force dans les affaires de notre bas monde. Aucune, fût-ce même sous le prétexte de combattre Satan et ses leurres. La seule façon de chasser le Mal réside dans l’exemple que donnent aux hommes la vraie piété, la vertu de la parole et l’effet multiplicateur du Bien…
    Un murmure d’assentiment parcourt le groupe des cathares et se propage dans le camp des catholiques. Au milieu des siens, frère Dominique, son capuchon rabattu sur la nuque, semble réfléchir. Sans jeter un regard vers ses condisciples, il remue doucement les lèvres comme s’il donnait déjà sa réponse.
    — … Certains esprits mauvais nous nomment les « Apôtres de Satan », continue Paunac. Ils condamnent notre hérésie et appellent à notre excommunication. Des dignitaires de l’Église de Rome souhaitent même lancer une guerre sainte contre nous ! Pour notre part, nous considérons toute guerre, même prétendument sainte, comme un piège que le Malin tend aux hommes pour les détacher de Dieu…
    Touvenel, à ces mots, échange un sourire avec Constance. Il l’accompagne d’une délicate pression de ses doigts sur son bras et chuchote à son oreille :
    — Si seulement un simple argument pouvait éviter les guerres !
    Mais son estomac se serre et ses tempes se mettent à battre, lorsque Paunac ajoute :
    — … Cela, nous l’avons bien vu dans les horribles massacres de la dernière croisade !
    À l’évocation du sac de Constantinople, Touvenel n’entend plus ce que dit l’orateur. Tout se mêle soudain : fracas de la bataille, corps mutilés, incendies, bains de sang. Par Dieu ! Pour le Saint-Sépulcre ! Pour Allah ! Pour Mahomet ! Dieu le veut ! Mort aux hérétiques ! Des silhouettes passent en courant, s’agrippent et se frappent. Des corps tombent, des bouches se tordent dans un rictus de mort. Croisade ! Par le sang du Christ ! Pour Dieu ! Guerre ! Jetons-les au fleuve ! Il se sent perdre connaissance et s’accroche au bras de Constance. Elle se penche sur lui, l’air inquiet. Il regarde bouger les lèvres de sa bien-aimée sans parvenir à dire un mot. Il glisse vers le sol, en battant vainement l’air de ses bras. Il veut se retenir à quelque chose ou quelqu’un, mais un voile noir, tout à coup, s’abat devant ses yeux.
    Quand Touvenel reprend ses esprits, il est allongé sur le sol, un peu à l’écart de la foule, la tête appuyée contre la poitrine de Constance. Elle le regarde avec inquiétude. Il essaie de lui sourire et se redresse. Combien de temps est-il resté inconscient ? Des cris, bien réels ceux-là, lui font tourner la tête vers la foule massée devant l’estrade.
    — Mort aux chiens de l’hérésie !
    — Sus aux Romains perfides !
    — Dehors, les corrompus de la fausse religion !
    Touvenel s’inquiète auprès de Constance.
    — Qu’est-ce qui s’est passé ?
    — Un incident a interrompu les plaidoiries. Un homme est monté sur la tribune avec une massue et a voulu empêcher mon père de parler. Il a été rejeté, mais cela a provoqué ce tumulte.
     
    À l’intérieur de la tente de commandement, Stranieri constate avec déplaisir que les négociations entre Castelnau et Raymond VI ont de nouveau tourné court. Les deux hommes se haïssent trop pour pouvoir seulement s’écouter. Les cris de discorde montant de la foule massée à l’extérieur leur parviennent à eux aussi. Excédé, le légat du pape se lève brusquement.
    — Comte, ces « controverses » ne nous mènent à rien. Écoutez-les tous, dehors ! Ces disputes ne servent qu’à nous monter davantage les uns contre les autres. Il faut appeler un chat un chat. Si vous êtes catholique, vous devez condamner l’hérésie. Il n’y a pas à sortir de là.
    Raymond VI se lève à son tour et fait face au prélat.
    — Jamais je ne m’en prendrai à une partie de mon peuple à cause de ses croyances. C’est l’affaire de votre Église, pas la mienne.
    — En tant que légat du pape, je constate donc une fois de plus votre coupable indulgence envers la fausse religion.
    — Je suis un bon chrétien, vous le savez. Mais je m’efforce aussi d’être un homme tolérant.
    — Quelle tolérance ? Faudrait-il que, au nom de

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