L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance
que l’autre ne sert à rien.
– La prudence sans courage ? dit la vivandière. Est-ce là ce que vous voulez dire, sergent ? c’est aussi ce que je pense. Mais je ne puis retenir ma jument, elle va s’emporter.
– Patience ! bonne femme ! Écoutez ! Qu’est-ce que cela ? s’écria Hollister en dressant les oreilles au bruit du coup de pistolet tiré par Wellmere ; je jurerais que c’est un coup de pistolet, et que c’est un pistolet de notre régiment. Attention le corps de réserve en avant, et serrez les rangs ! Il faut que je vous laisse là, mistress Flanagan. À ces mots, le bruit d’une arme à feu qu’il connaissait lui rendant l’usage de ses facultés, il alla se placer à la tête de ses dragons avec un air de fierté militaire, que l’obscurité ne permit pas à la vivandière de remarquer. Une décharge de mousqueterie ne tarda pas à se faire entendre, et le sergent s’écria :
– En avant ! au galop !
Au même instant on entendit sur la route le bruit de la course d’un cheval, et sa vitesse annonçait qu’il y allait de la vie ou de la mort pour celui qui le montait. Hollister fit encore arrêter sa troupe et courut lui-même en avant pour reconnaître le cavalier qui s’avançait.
– Halte-là ! qui vive ? s’écria le sergent avec la voix forte d’un homme résolu.
– Ah ! c’est vous, Hollister ? dit Lawton. Toujours prêt ! toujours à votre poste ! Mais où est le détachement ?
– À deux pas, capitaine, et prêt à vous suivre partout où vous voudrez le conduire, répondit le vétéran charmé d’être déchargé de toute responsabilité et ne désirant rien de plus que de trouver quelque ennemi à combattre.
– C’est bien, dit le capitaine en s’avançant vers les dragons ; et leur ayant adressé quelques paroles d’encouragement, il les fit partir presque avec la même rapidité qu’il était arrivé lui-même. Ils eurent bientôt laissé bien loin derrière eux la misérable jument de la vivandière, et Betty, faisant approcher sa charrette du bord de la route, se dit à elle-même :
– Là ! on voit bien que le capitaine Jack est avec eux à présent. Au lieu de marcher comme à un enterrement, les voilà qui courent comme des nègres et comme s’ils allaient à une fête. Je vais attacher ma jument à cette haie, et je suivrai à pied pour voir ce qui se passe. Il ne serait pas juste d’exposer cette pauvre bête à recevoir quelques mauvais coups.
Conduits par Lawton, ses soldats le suivirent sans éprouver aucune crainte, sans se permettre aucune réflexion. Ils ne savaient s’ils allaient attaquer une troupe de Vachers ou un détachement de l’armée royale ; mais ils connaissaient le courage et l’habileté de leur chef, et ces qualités captivent toujours le soldat.
En arrivant devant la porte des Sauterelles, le capitaine fit faire halte, et fit ses dispositions pour l’attaque. Il descendit de cheval, ordonna à huit de ses gens d’en faire autant, et dit à Hollister :
– Vous, restez ici, veillez sur nos chevaux, et si quelqu’un tente de sortir de la maison, arrêtez-le ou sabrez-le… En ce moment les flammes s’élancèrent à travers quelques croisées et une partie du toit de la maison, répandant une vive clarté au milieu des ténèbres de la nuit.
– En avant ! s’écria Lawton, et n’accordez quartier qu’après avoir fait justice.
Il y avait dans la voix du capitaine une force terrible qui allait jusqu’au cœur, même au milieu des horreurs dont cette maison était le théâtre. Le butin qu’avait recueilli le chef des Skinners lui tomba des mains, et il resta un moment plongé dans la stupeur de la crainte. Enfin il courut à la fenêtre et l’ouvrit. En ce moment Lawton entra dans l’appartement, le sabre à la main, en criant :
– Mort aux brigands ! Et d’un coup de sabre il fendit le crâne du compagnon du chef ; mais celui échappa à sa vengeance en sautant lestement par la croisée. Les cris des femmes épouvantées rendirent au capitaine sa présence d’esprit, et les prières empressées de l’aumônier le firent songer à s’occuper de la sûreté de la famille. Un autre homme de la bande tomba entre les mains des dragons, et éprouva le même sort que son camarade ; mais les autres avaient pris l’alarme assez à temps pour s’échapper.
Occupées à donner des secours à Sara, miss Peyton, Frances et miss Singleton n’avaient appris l’arrivée
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