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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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résistance, il le laissa retomber avec un profond soupir, et se tournant vers miss Peyton en passant une main sur ses yeux :
    – Il n’y a point ici de fièvre, madame, lui dit-il ; le temps, les soins de l’amitié et le secours du ciel peuvent seuls opérer une cure pour laquelle les lumières de la science sont insuffisantes.
    – Et où est le misérable qui a occasionné ce malheur ? s’écria Singleton en faisant un effort pour se lever du sofa sur lequel sa sœur l’avait placé, et en repoussant le dragon qui le soutenait. À quoi bon vaincre nos ennemis, si les vaincus peuvent nous infliger de si cruelles blessures ?
    – Croyez-vous, dit Lawton avec un sourire amer, que des cœurs anglais puissent avoir quelque compassion pour les maux que souffrent des Américains ? Qu’est l’Amérique pour l’Angleterre ? un astre satellite qui ne doit avoir d’éclat que pour en ajouter à celui de la planète à laquelle il est subordonné. Oubliez-vous qu’un colon doit se trouver honoré de devoir sa ruine à la main d’un enfant de la Grande-Bretagne ?
    – Je n’oublie pas que je porte un sabre, répondit Singleton en retombant d’épuisement sur sa chaise. Mais ne s’est-il donc pas trouvé un seul bras pour venger cette infortunée et ce malheureux père ?
    – Ce ne sont ni les bras ni le courage qui ont manqué, capitaine, dit Lawton avec fierté ; mais la fortune favorise quelquefois le méchant. Je donnerais jusqu’à Roanoke pour pouvoir le retrouver et me mesurer avec lui.
    – Non, capitaine, non, lui dit à demi-voix Betty Flanagan, avec un regard expressif ; ne donnez Roanoke pour rien au monde ; la bête a bon pied ; elle saute comme un écureuil, et vous n’en retrouveriez pas tous les jours une semblable.
    – Femme, s’écria Lawton, cinquante chevaux, les meilleurs qui aient jamais été élevés sur les bords du Potomac, ne paieraient pas assez cher une balle bien dirigée contre ce scélérat.
    – Allons, dit le docteur, l’air de la nuit ne peut qu’être nuisible à George et à ces dames ; il faut songer à les transporter dans un endroit où l’on puisse leur donner des soins et des rafraîchissements. D’ailleurs il n’y a plus ici que des ruines fumantes et les miasmes de l’humidité.
    On n’avait aucune objection à faire à une proposition si raisonnable, et Lawton fit les dispositions nécessaires pour transférer provisoirement la famille Wharton aux Quatre-Coins.
    L’art du carrossier était encore en son enfance en Amérique à cette époque, et ceux qui voulaient avoir une voiture élégante et légère étaient obligés de la faire venir d’Angleterre. Quand M. Wharton avait quitté New-York, il était du petit nombre de ceux qui se permettaient le luxe d’un carrosse ; et quand sa belle sœur et ses deux filles étaient venues le rejoindre dans sa solitude, elles s’étaient rendues aux Sauterelles dans la lourde voiture qui avait autrefois roulé d’une manière si imposante dans la rue tortueuse nommée Queen-Street, et qui s’était montrée avec une sombre dignité dans la promenade plus spacieuse de Broadway. Cette voiture était restée tranquillement sous la remise où elle avait été placée à son arrivée, et l’âge des chevaux, les favoris de César, avait seul empêché les maraudeurs des deux partis de s’en emparer. Le nègre, dont le cœur battait encore, s’occupa, à l’aide de quelques dragons, à mettre en état de recevoir les dames cette voiture pesante garnie en beau drap fané et terni, et dont les panneaux repeints dans la colonie, et sur lesquels leurs anciennes couleurs commençaient à reparaître, prouvaient qu’on y pratiquait encore fort mal l’art qui leur avait donné autrefois un vernis si brillant. Le lion couchant des armes de M. Wharton retrouvait autour de lui les armoiries d’un prince de l’Église, et la mitre qui commençait à briller sous son masque américain indiquait le rang du premier propriétaire de cet équipage. La chaise qui avait amené miss Singleton était intacte, car les flammes avaient épargné les remises, les écuries et toutes les dépendances extérieures et séparées de la maison. Le projet des maraudeurs n’était certainement pas de laisser les écuries si bien garnies ; mais l’attaque dirigée par Lawton avait déconcerté leurs arrangements, tant sur ce point que sur différents autres. On laissa sur les lieux un détachement sous le

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