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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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s’informer si le capitaine était de retour. On sent bien que la réponse fut négative. Se livrant à mille conjectures qui le remplissaient d’inquiétude, le docteur, sans faire attention aux dangers qu’il pourrait rencontrer, sans même y réfléchir un instant, courut à grands pas à l’endroit où il savait que la dernière affaire avait eu lieu. Déjà il avait sauvé une fois la vie à son ami dans une situation semblable, à ce qu’il supposait, et la confiance qu’il avait dans son art et dans ses talents lui fit éprouver un mouvement secret de joie involontaire quand il aperçut Betty Flanagan assise par terre, soutenant sur ses genoux la tête d’un homme qu’à sa taille et à son uniforme il reconnut sur-le-champ pour le capitaine Lawton. L’air et l’extérieur de la vivandière lui inspirèrent pourtant quelque alarme. Son petit chapeau noir était repoussé de côté, et ses cheveux, qui commençaient à grisonner, tombaient en désordre autour de sa tête.
    – John ! mon cher John ! s’écria-t-il d’une voix émue en lui appliquant sur le pouls une main qui s’en retira avec une sorte d’effroi ; John ! mon cher John ! où êtes-vous blessé ? Ne puis-je vous être d’aucun secours ?
    – Vous parlez à qui ne peut vous entendre, dit Betty en se balançant le corps, tandis que ses doigts jouaient, sans qu’elle le sût, avec les cheveux noirs du capitaine. Je vous dis qu’il ne vous entendra plus, et il n’a plus besoin ni de vos sondes ni de vos drogues. Hélas ! hélas ! Et que deviendra la liberté à présent ? qui combattra, qui remportera des victoires pour elle ?
    – John ! répéta le chirurgien ne pouvant se résoudre à en croire le témoignage de ses sens ; mon cher John ! parlez-moi ; dites tout ce qu’il vous plaira, mais parlez-moi ! Ô mon Dieu ! ajouta-t-il s’abandonnant à son émotion ; il est mort ! Plût au ciel que je fusse mort avec lui !
    – Ce n’est guère la peine de vivre et de se battre à présent, dit la vivandière. L’homme et la bête en même temps ! Voyez, voilà l’animal, et voici son maître. J’ai donné de mes propres mains ce matin la provende au cheval, et c’est moi qui ai préparé le dernier repas qu’a fait le capitaine. Hélas ! hélas ! faut-il que le capitaine Jack n’ait vécu que pour être tué par les troupes régulières.
    – John, continua le docteur avec des sanglots convulsifs, ton heure est arrivée. Les hommes plus prudents te survivent, mais il n’en reste pas un plus courageux. Ô John ! tu étais pour moi un ami véritable, le plus cher de mes amis ! Il n’est pas philosophique de pleurer, mais il faut que je te pleure, que je te pleure dans l’amertume de mon cœur !
    Le docteur se couvrit le visage des deux mains, et s’abandonna quelques minutes aux transports de sa douleur, tandis que la vivandière exhalait la sienne par des paroles et des gestes convulsifs.
    – Et qui est-ce qui encouragera nos gens à présent ? s’écria-t-elle. Ô capitaine Jack ! capitaine Jack ! vous étiez l’âme de la troupe, et l’on ne craignait guère de danger lorsque vous combattiez. Il ne cherchait jamais querelle à une pauvre veuve parce que le rôt était brûlé ou que son déjeuner n’était pas prêt. – Hélas ! il n’y a plus de goutte pour lui ! – Et voilà le docteur avec qui vous aimiez tant à jaser, qui pleure comme si sa pauvre âme voulait partir avec la vôtre ! Hélas ! hélas ! il est bien mort, et la liberté est morte avec lui !
    Un grand bruit de chevaux se fit entendre en ce moment sur la route qui passait près de l’endroit où Lawton était étendu, et presque au même instant Dunwoodie arriva à la tête des dragons de Virginie. Il avait déjà appris la mort du capitaine, et dès qu’il reconnut son corps, il fit faire halte, mit pied à terre et s’en approcha. La physionomie de Lawton n’était nullement défigurée ; on l’eût cru endormi. Dunwoodie souleva une de ses mains et le contempla un instant en silence. Son œil commença à étinceler, et la pâleur qui couvrait tous ses traits fut remplacée par une tâche d’un rouge foncé qui se forma sur chacune de ses joues.
    – Son sabre me servira à le venger ! s’écria-t-il en voulant le ravir à sa main glacée ; mais les doigts de son ami en serraient encore la poignée avec force, et semblaient refuser de s’en détacher. Il sera enterré aujourd’hui,

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