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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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Mais tous ses enfants repoussèrent vivement cette idée, et Sara même s’unit à son frère et à sa sœur pour plaider avec chaleur en faveur de la sincérité de l’air de franchise et de candeur de M. Harper.
    – De telles apparences sont souvent trompeuses, mes enfants, dit le père avec un ton de découragement. Quand on voit des hommes comme le major André se prêter à la fausseté, il est inutile de raisonner d’après les qualités d’un individu, et surtout d’après celles qui sont extérieures.
    – À la fausseté ! s’écria son fils avec vivacité ; vous oubliez, mon père, que le major André servait son roi, et que les usages de la guerre justifient sa conduite.
    – Et ces usages de la guerre ne justifient-ils pas aussi sa mort, mon frère ? demanda Frances d’une voix émue, ne voulant pas abandonner ce qu’elle regardait comme la cause de son pays, et ne pouvant en même temps résister à l’influence de sa sensibilité.
    – Non sans doute, s’écria le jeune homme en se levant avec précipitation, et se promenant à grands pas. Frances, vous me transportez d’indignation. Si mon destin me faisait tomber en ce moment entre les mains des rebelles, vous excuseriez ma sentence de mort ; vous applaudiriez peut-être à la cruauté de Washington.
    – Henry ! s’écria Frances d’un ton solennel, mais tremblante et pâle comme la mort, vous connaissez bien peu mon cœur.
    – Pardon, ma sœur, ma chère Fanny ! s’écria le jeune homme repentant, en la pressant contre son cœur, et en essuyant avec ses lèvres les larmes qui coulaient de ses yeux.
    – J’ai été folle de prendre à la lettre quelques mots prononcés à la hâte, dit Frances en se dégageant de ses bras, et en levant sur lui avec un sourire ses yeux encore humides ; mais les reproches de ceux que nous aimons sont bien cruels, Henry, surtout quand nous croyons… quand nous sentons… et… – les couleurs reparurent sur ses joues lorsqu’elle ajouta en baissant la voix, et les yeux fixés sur le tapis, – que nous ne les méritons pas.
    Miss Peyton quitta sa chaise pour aller s’asseoir près de Frances, et elle lui dit en lui prenant la main avec bonté :
    – Il ne faut pas que l’impétuosité de votre frère vous affecte à ce point. Vous savez, et personne ne l’ignore, ajouta-t-elle en souriant, que les jeunes gens sont ingouvernables.
    – Et d’après ma conduite vous pourriez ajouter cruels, dit le capitaine en s’asseyant de l’autre côté de sa sœur ; mais quand il est question de la mort d’André, nous sommes tous d’une susceptibilité qui ne connait pas de bornes. Vous ne l’avez pas connu ? C’était l’homme le plus brave, le plus accompli, le plus estimable. Frances sourit faiblement en secouant la tête, mais ne répondit rien. Son frère remarquant sur sa physionomie des signes d’incrédulité, ajouta :
    – Vous en doutez ? sa mort vous paraît juste ?
    – Je ne doute pas de ses bonnes qualités, répondit Frances avec douceur, je ne doute pas qu’il ne méritât un destin plus heureux ; mais je doute que Washington se fut permis un acte illégal. Je connais peu les usages de la guerre, je ne désire pas les connaître mieux ; mais quel espoir de succès pourraient avoir les Américains dans cette contestation, s’ils consentaient que tous les principes établis depuis longtemps ne profitassent qu’aux Anglais ?
    – Mais pourquoi cette contestation ? s’écria Sara avec impatience. D’ailleurs ce sont des rebelles : donc tous leurs actes sont illégaux.
    – Les femmes, dit Henry, ne sont que des miroirs qui réfléchissent les objets que leur imagination leur présente. Je vois en Frances les traits du major Dunwoodie, et en Sara je reconnais ceux du…
    – Du colonel Wellmere, ajouta Frances, riant et rougissant.
    – Quant à moi, j’avoue que je dois au major l’idée que je viens d’exprimer ; n’est-il pas vrai, ma tante ?
    – Je crois, répondit miss Peyton, qu’il y avait quelque chose de semblable dans la dernière lettre qu’il m’a écrite.
    – Je ne l’ai pas oublié, continua Frances, et je vois que Sara se souvient également des savantes dissertations du colonel Wellmere.
    – Je me flatte que je me souviendrai toujours des principes de la justice et de la loyauté, répliqua Sara en se levant pour s’éloigner du feu, comme si une trop grande chaleur eût appelé sur ses joues le carmin dont elles

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