Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
Vom Netzwerk:
avait fait éviter le coup qui menaçait sa vie, et il ne fut retenu que par ses habits.
    – Non, Birch, non. Nous savons trop combien tu es glissant pour te perdre de vue un instant. Ton argent, ton argent, dis-je.
    – Vous l’avez déjà, s’écria Birch dans l’agonie du désespoir.
    – Oui, nous avons la bourse, mais tu dois en avoir d’autre. Le roi George est bon payeur, et tu lui as rendu bien des services. Ou est ton magot ? Dépêche-toi, si tu veux revoir ton père.
    – Levez la pierre qui est sous cette femme, s’écria Harvey avec vivacité.
    – Il déraisonne, il extravague, s’écria Katy en se plaçant rapidement sur la pierre voisine. En un instant la pierre fut soulevée, et l’on ne vit en dessous que la terre.
    – Il extravague, répéta la femme de charge en tremblant ; vous lui avez fait perdre l’esprit. Quel homme de bon sens songerait à placer son argent sous une pierre du foyer ?
    – Silence, bavarde, dit Harvey. Levez la pierre qui est dans le coin, vous deviendrez riches, et je ne serai plus qu’un mendiant.
    – Et un méprisable mendiant, s’écria Katy ; qu’est-ce qu’un colporteur sans balle et sans argent ? chacun vous méprisera, rien n’est plus sûr !
    – Il aura toujours de quoi payer une corde, dit le Skinner en apercevant une quantité raisonnable de guinées anglaises. On les fit promptement tomber dans un petit sac de cuir malgré les protestations de la femme de charge, qui déclara que ses gages lui étaient dus, et que dix de ces guinées lui appartenaient de droit.
    Enchantés d’une prise qui dépassait de beaucoup leur attente, les bandits se préparèrent à partir et à emmener avec eux le colporteur, dans le dessein de le livrer au premier corps américain, et de réclamer la récompense qui avait été promise pour son arrestation. Birch refusant opiniâtrement de marcher, ils allaient l’emporter de vive force, quand on vit entrer dans la chambre une espèce de fantôme qui glaça d’effroi tous les spectateurs. Son corps était entouré d’un drap du lit dont il venait de se lever, et son œil fixe, sa figure livide, lui donnaient l’air d’un être appartenant à un autre monde. Katy et César crurent eux-mêmes que c’était l’esprit du vieux Birch, et ils s’enfuirent précipitamment de la maison, suivis de toute la bande des Skinners non moins alarmés.
    Les forces qu’une vive émotion avait rendues au moribond disparurent aussi promptement, et son fils le prenant dans ses bras, le porta sur son lit. La fin de cette scène ne pouvait tarder.
    L’œil à demi éteint du père était fixé sur le fils ; ses lèvres remuaient, mais sa voix ne pouvait se faire entendre. Harvey se courba sur lui, et reçut en même temps la bénédiction et le dernier soupir de son père.
    Des privations, des soucis, des injustices remplirent une grande partie du reste de la vie d’Harvey Birch. Mais ni les souffrances, ni les malheurs, ni les calomnies, n’effacèrent jamais de son esprit le souvenir de l’instant où il avait reçu la dernière bénédiction de son père. Il y puisait une consolation du passé, un adoucissement au présent, des espérances pour l’avenir. Il savait qu’un esprit bienheureux priait pour lui au pied du trône de la Divinité, et l’assurance qu’il avait fidèlement rempli tous les devoirs de la pitié filiale lui donnait de la confiance en la miséricorde céleste.
    La fuite de César et de Katy avait été trop précipitée pour qu’ils pussent y mettre beaucoup de calcul. Cependant ils avaient pris par instinct un autre chemin que les brigands. Après avoir couru quelques minutes, ils s’arrêtèrent de lassitude.
    – Ah ! César, s’écria Katy d’un ton solennel, voir un mort revenir ainsi, avant même qu’il ait été mis dans le tombeau ! il faut que ce soit l’argent qui l’ait troublé. On dit que l’esprit du capitaine Kidd se promène toutes les nuits près de l’endroit où il avait enterré son or pendant la dernière guerre.
    – Moi avoir jamais cru que John Birch avoir si grands yeux, dit César dont les dents claquaient encore de frayeur.
    – Après tout, continua Katy, pourquoi un mort ne serait-il pas fâché comme un vivant de perdre tant d’argent ? Mais songez à Harvey. Qui voudrait l’épouser à présent ?
    – Mais peut-être l’esprit l’avoir emporté, dit César.
    Ce mot emporté fit naître une nouvelle idée dans l’imagination de Katy.

Weitere Kostenlose Bücher