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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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elles étaient privées de la commisération de leurs voisins qui auraient craint que leur pitié ne les exposât à de semblables déprédations. Les dames, à qui la présence de nouveaux hôtes occasionnait quelques embarras additionnels, étaient descendues de meilleure heure que de coutume. Le capitaine Lawton, malgré les douleurs qu’il souffrait encore, s’était levé de très-grand matin, conformément à la règle qu’il s’était prescrite de ne jamais rester plus de six heures au lit. C’était presque le seul article de régime sur lequel le docteur et lui se fussent jamais trouvés d’accord. Sitgreaves ne s’était pas couché de toute la nuit ; il était resté au chevet du lit du capitaine Singleton. De temps en temps il allait faire une visite au colonel Wellmere, qui, étant plus malade d’esprit que de corps, ne lui savait pas beaucoup de gré de venir ainsi troubler son sommeil. Une seule fois il se hasarda à entrer dans la chambre de Lawton, et il était sur le point de lui tâter le pouls quand le capitaine, faisant un mouvement sans s’éveiller et jurant tout en rêvant, fit tressaillir le prudent chirurgien, et lui rappela un dicton qui courait dans le corps « que le capitaine Lawton ne dormait jamais que d’un œil. »
    Ce groupe était réuni dans une des salles du rez-de-chaussée quand le soleil se montra au-dessus des montagnes de l’est et dispersa les colonnes de brouillard qui couvraient toute la vallée. Miss Peyton, debout devant une fenêtre, regardait du côté de la maison du colporteur, et témoignait le désir de savoir comment se trouvait le vieillard malade qu’elle supposait l’habiter encore, quand elle vit sortir Katy Haynes du milieu d’un épais brouillard qui se dissipait sous les rayons bienfaisants du soleil. La femme de charge marchait à grands pas en se dirigeant vers les Sauterelles, et il y avait dans son air quelque chose qui annonçait une détresse extraordinaire. La bonne miss Peyton ouvrit la porte de l’appartement dans l’intention charitable d’adoucir un chagrin qui paraissait si accablant. En la voyant de plus près elle reconnut à ses traits altérés qu’elle ne s’était pas trompée, et éprouvant le choc dont un bon cœur ne manque jamais d’être frappé à l’instant d’une séparation subite et éternelle, fût-ce du plus humble individu de sa connaissance, elle lui dit sur-le-champ :
    – Eh bien ! Katy, le pauvre homme est donc parti ?
    – Non, Madame, reprit la pauvre fille avec amertume, mais il peut partir maintenant quand il lui plaira. Tout ce qu’il y a de pire lui est arrivé ; je crois vraiment, miss Peyton, qu’ils ne lui ont pas laissé de quoi acheter un autre habit pour cacher sa nudité ; car celui qui lui reste n’est pas des meilleurs, je vous l’assure.
    – Comment, Katy ! et qui peut avoir eu le cœur de piller un malheureux dans un tel moment de détresse ?
    – Le cœur ? de pareils hommes n’ont ni cœur ni entrailles. Oui, miss Peyton, il y avait dans le pot de fer cinquante-quatre bonnes guinées de bon et bel or. Combien y en avait-il en dessous ! C’est plus que je ne saurais dire ; car, pour le savoir, il aurait fallu les compter, et je n’ai pas voulu y toucher, car on dit que l’argent des autres s’attache facilement aux doigts. Cependant, d’après les apparences, il devait bien s’y trouver deux cents guinées, sans parler de ce qu’il y avait dans le petit sac de cuir. Mais avec tout cela, qu’est Harvey aujourd’hui ? rien qu’un mendiant, et vous savez que tout le monde méprise un mendiant !
    – On doit plaindre l’indigent et non le mépriser, dit miss Peyton qui ne pouvait encore se figurer toute l’étendue des malheurs de ses voisins ; mais comment va le pauvre vieillard ? Cette perte dont vous parlez l’affecte-t-elle beaucoup ?
    La physionomie de Katy changea tout à coup : elle perdit l’expression du chagrin naturel pour prendre celle d’une mélancolie étudiée.
    – Heureusement pour lui, répondit-elle, il est à l’abri des soucis de ce monde. Le son des guinées l’a fait sortir de son lit, et sa pauvre âme n’a pu résister à ce coup : il est mort deux heures dix minutes avant que le coq chantât, autant que j’en puis juger, et…
    Ici elle fut interrompue par le docteur qui, s’approchant d’elle, lui demanda avec intérêt quelle était la nature de la maladie du défunt.
    Katy jeta les yeux sur celui qui lui

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