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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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maison ?
    – Je comprends aisément la mortification que vous avez dû éprouver en ayant affaire à un homme si opiniâtre, reprit le docteur en jetant un coup d’œil de reproche sur le capitaine, mais vous devez vous élever au-dessus de pareilles opinions, et mépriser l’ignorance qui les produit.
    Katy hésita un instant : elle ne comprenait pas très-exactement ce que le docteur venait de dire, mais sentant qu’il s’y trouvait encore un compliment, elle réprima un peu sa volubilité ordinaire, et reprit simplement :
    – J’ai souvent dit à Harvey que sa conduite est méprisable, et la nuit dernière il a prouvé que je n’avais pas tort. Mais l’opinion de tels incrédules n’est pas bien importante. Cependant il est terrible de réfléchir à la manière dont il se comporte quelquefois. Par exemple, quand il jeta au feu l’aiguille…
    – Quoi ! s’écria le chirurgien, l’interrompant, affecte-t-il de mépriser l’aiguille {28}  ? Mais c’est mon destin de rencontrer tous les jours des hommes dont l’esprit également pervers montre une indifférence encore plus coupable pour les connaissances dont on est redevable aux lumières des sciences.
    Le docteur se tourna vers Lawton en parlant ainsi ; mais l’élévation de sa tête l’empêcha de fixer ses yeux sur la physionomie grave du capitaine. Katy l’écoutait avec la plus grande attention, et elle ajouta :
    – Ensuite Harvey ne croit point aux marées…
    – Ne pas croire aux marées, s’écria Sitgreaves au comble de la surprise ; mais c’est peut-être sur l’influence de la lune qu’il a des doutes !
    – C’est cela même, dit Katy transportée de joie en trouvant un savant qui soutenait ses opinions favorites. Si vous l’entendiez parler, vous vous imagineriez qu’il ne croit pas même qu’il existe une lune dans le monde.
    – C’est le malheur de l’ignorance et de l’incrédulité d’aller toujours en augmentant, Madame, dit gravement le docteur. L’esprit qui rejette une fois les connaissances utiles s’abandonne à la superstition, et tire de l’ordre de la nature des conclusions aussi préjudiciables à la cause de la vérité qu’elles sont contraires aux premiers principes de toutes les sciences humaines.
    Ce discours parut trop imposant à Katy pour qu’elle se hasardât à y répondre au hasard, et le docteur, après avoir gardé le silence un instant avec une sorte de dédain philosophique, ajouta :
    – Qu’un homme de bon sens puisse avoir du doute sur les marées, c’est ce que je n’aurais jamais cru possible ; mais l’obstination est un défaut auquel il est dangereux de se livrer, et qui peut conduire aux erreurs les plus grossières.
    – Vous croyez donc qu’elles ont effet sur le flux ? demanda la femme de charge.
    Miss Peyton se leva avec un léger sourire, et fit signe à ses nièces de venir l’aider dans quelque occupation domestique, tandis que Lawton mourait d’une envie d’éclater de rire qu’il ne réprima que par un effort aussi violent et aussi soudain que le motif qui y avait donné lieu.
    Après avoir réfléchi s’il comprenait bien ce que venait de dire la femme de charge, le chirurgien songea qu’il fallait avoir quelque égard pour l’amour de la science se faisant sentir en dépit du manque d’éducation, et il répondit :
    – Vous voulez parler de la lune. Bien des philosophes ont douté qu’elle agisse sur les marées ; mais je crois que c’est fermer volontairement les yeux aux lumières des sciences que de ne pas croire qu’elle occasionne le flux et le reflux.
    Comme le reflux était une maladie que Katy ne connaissait pas, elle jugea à propos de garder le silence un instant. Cependant, brûlant de curiosité de savoir quelles étaient ces lumières dont il parlait si souvent, elle se hasarda à lui demander :
    – Ces lumières sont-elles ce que nous appelons dans ce pays les lumières du nord {29}  ?
    Par charité pour son ignorance, le docteur allait entrer dans une explication scientifique de ce qu’il avait voulu dire, s’il n’eût été interrompu par les éclats de rire de Lawton. Le capitaine avait écouté jusqu’alors avec beaucoup de sang-froid, mais il ne put y tenir plus longtemps, et il rit aux larmes, au point de renouveler toutes les douleurs de ses meurtrissures. Enfin le chirurgien offensé profita d’un intervalle pour dire :
    – Ce peut être une source de triomphe pour vous, capitaine Lawton,

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